#Prispourcible
Dans le cadre de sa série sur le cyberharcèlement, « 20 Minutes » a recueilli le témoignage de Mégane. Accusée par un auteur de BD d’avoir fait fermer sa page Facebook, la jeune femme a reçu des menaces de mort.
« Tout est arrivé d’un coup, raconte Mégane*, 26 ans, victime de cyberharcèlement. Je jouais sur mon ordinateur quand j’ai reçu un SMS d’une amie me disant qu’il se passait quelque chose de bizarre sur mon profil Facebook. Quelques heures plus tôt, j’y avais posté un message dans lequel je réagissais à la suppression de la page Facebook d’un auteur “trash” de BD, Marsault**. J’avais écrit : “Haha dans ta gueule”, en ajoutant la capture d’écran de sa page devenue introuvable.
Des dizaines et des dizaines de personnes ont commenté mon message, elles “aimaient” mutuellement leurs commentaires et certains avaient plus
« J’ai arrêté de bosser, de sortir aussi. J’ai perdu des amis, je ne faisais plus confiance. »
de 300 “j’aime”. Sur le coup, je n’ai pas compris. Plus tard, j’ai appris que cet auteur avait posté un message sur sa page Facebook de secours, Marsault 2, où il m’accusait d’être à l’origine de la suppression de sa page officielle. Sauf que j’ai jamais signalé son contenu. A cette époque, il avait 220000 abonnés, et voilà ce qu’il leur a écrit : “La question est donc la suivante : quand on affiche une connasse hystérique qui se vante d’anéantir une communauté de 220 000 personnes, on est misogyne? Bien joué Mégane, félicitations pour ton acharnement et bonne soirée. (Tu vas peut-être recevoir 3-4 messages…)“Au total, j’ai reçu 1 300 messages privés qui disaient que “je n’étais pas Charlie”, que je ne respectais pas la liberté d’expression, que j’étais une connasse d’avoir fait supprimer sa page Facebook. J’ai eu droit à des surnoms comme “la soeur Kouachi”, on me renvoyait à mes origines égyptiennes, on a menacé de “m’exciser”. J’ai reçu tout ce qui était possible de recevoir, des appels au meurtre, au viol. J’ai réveillé mon copain, j’étais complètement paniquée : je lui ai demandé de me retenir pour ne pas me jeter par la fenêtre. C’était tellement violent ce qui se passait que, à cet instant-là, pour moi, tout était foutu. J’ai passé la main à une amie, je lui ai donné mes codes et elle a sécurisé mon profil Facebook. Je savais le faire, mais j’étais trop à l’ouest. Cette histoire, ça m’a explosée. J’ai arrêté de bosser. J’étais terrifiée à l’idée que les contrats qu’on me proposait venaient de harceleurs qui voulaient me retrouver. Je suis entrée dans une phase un peu dissociative, j’ai mis longtemps à assimiler ce qu’il s’était passé. J’ai arrêté de sortir aussi, je me suis renfermée. J’ai perdu des amis dans cette affaire, je ne faisais plus confiance. J’ai fait deux tentatives de suicide. Je suis tombée dans un cercle vicieux : je me shootais aux médocs, je buvais beaucoup. J’ai été admise une semaine à l’hôpital Sainte-Anne [spécialisé en psychiatrie]. C’est à partir de ce moment que j’ai décidé de déposer plainte. C’est ce que j’ai fait avec l’aide de collectifs féministes, dont le collectif “féministes contre le cyberharcèlement”.
A aucun moment je n’ai voulu supprimer mes profils en ligne : je refusais de croire que je n’avais pas ma place sur les réseaux sociaux. J’ai déposé une nouvelle plainte. Il y a eu une enquête, et le procès doit se tenir l’an prochain. Cette affaire a renforcé mon militantisme : je m’implique encore plus, en infiltrant certains réseaux, en aiguillant d’autres victimes. »
* Le prénom a été changé.
** Contacté, Marsault n’a pas souhaité réagir à nos sollicitations.