20 Minutes

Le jeu brésilien penche à droite

Certains joueurs auriverdes se sont prononcés en faveur du candidat d’extrême droite à l’élection présidenti­elle, Jair Bolsonaro

- William Pereira

Trente-trois ans après la chute du régime, le spectre de la dictature militaire plane de nouveau au-dessus du Brésil, où les citoyens voteront pour leur nouveau président dimanche. Ce spectre a un nom : Jair Bolsonaro. Pro-armes, homophobe, raciste, misogyne, l’ex-militaire, dont les intentions de votes tournent autour de 32 %, effraie les classes populaires autant qu’il séduit certaines élites, comme les footballeu­rs pros. Selon un sondage réalisé par le portail UOL, le candidat du Parti social libéral (PSL) recueille 20,72 % d’avis favorables au sein de la profession. « Il [Bolsonaro] promeut la justice et que les malfrats aient peur de la police, tweetait l’ex-Parisien Lucas Moura le 10 septembre. Mais si vous avez une meilleure solution… » Une semaine après, le joueur de Palmeiras, Felipe Melo, déclarait, après match, que son «but était pour notre futur président Bolsonaro ». En 2017, déjà, Jadson (Corinthian­s) assurait vouloir voter pour Bolsonaro. Déroutant quand on connaît l’histoire du club pauliste.

La parole sacrée des joueurs

Trente-cinq plus tôt, Socrates profitait de sa notoriété pour fédérer une équipe dans le but de mener un combat idéologiqu­e contre une dictature sur le déclin. Encarté au parti des Travailleu­rs, il avait milité activement en faveur d’élections démocratiq­ues directes et participai­t, avec son équipe, à une expérience sportivo-sociale inédite, la démocratie corinthian­e. « Le cas Socrates était déjà une exception, explique Ricardo Gozzi, auteur de Democracia Corinthian­a, a utopia em jogo (l’utopie en jeu). Le foot brésilien a toujours été très conservate­ur. » Pas étonnant de le voir entrer en résonance avec les idéaux de Bolsonaro. « La question de la religion est très présente chez lui, et les joueurs y attachent beaucoup d’importance, indique Marcel Diego Tonini, sociologue spécialisé dans le foot. Il dit avoir la solution pour faire diminuer la violence civile. Et la défense de la propriété privée fait partie de leurs préoccupat­ions.» Au pays du joga bonito, la parole du footballeu­r est évangile. Quand Melo déclare sa flamme à Bolsonaro, il entraîne des milliers, peut-être plus, de personnes dans son sillage. «Il y a des gens qui pensent : “S’il dit ça, je vais penser comme lui, parce que je suis supporter de Palmeiras. Peu importe s’il a un discours de haine contre les homos, les Noirs… On a le même écusson, je vote comme lui.” C’est effrayant », se désole Tonini. La gauche du foot se débrouille pour exister. L’ex-Manceau Paulo André a signé un manifeste pour la démocratie, et contre Bolsonaro. «C’est bien, mais il joue à l’Atlético Paranaense dont les matchs ne sont pas toujours retransmis, tempère Diego Tonini. «a a moins de poids que la prise de parole de Melo. » Et ça ne sera probableme­nt pas suffisant pour freiner l’ascension de Bolsonaro.

 ??  ?? Jair Bolsonaro a reçu, notamment, le soutien de l’ex-Parisien Lucas Moura.
Jair Bolsonaro a reçu, notamment, le soutien de l’ex-Parisien Lucas Moura.
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France