L’essayiste Pablo Servigne optimiste face au désastre
«20 Minutes» a rencontré Pablo Servigne, le coauteur de l’essai «Une autre fin du monde est possible», publié ce jeudi
A mi-chemin entre le scientifique et le prophète des temps modernes, Pablo Servigne, qui sort ce jeudi Une autre fin du monde est possible (Seuil), coécrit avec Raphaël Stevens et Gauthier Chapelle, a tout l’air d’une star qui s’ignore. A peine assis à notre table dans un restaurant de Crest (Drôme), un client s’approche timidement de l’inventeur du terme « collapsologie » (l’étude de l’effondrement de notre civilisation thermo-industrielle) pour lui murmurer un « merci ». Depuis la parution en 2015 de son best-seller coécrit avec Raphaël Stevens (Comment tout peut s’effondrer, Seuil), il est fréquemment alpagué par des passants qui lui disent : « Vous avez changé ma vie.» Collapsonaute averti, comment cet agronome de formation est-il passé de l’étude du comportement des fourmis à la notion d’effondrement ? « Gauthier Chapelle, avec qui j’ai écrit L’Entraide, l’autre loi de la jungle, m’a présenté Raphaël Stevens en 2012 à Bruxelles », explique-t-il. Les deux hommes ont deux choses en commun : ils font le même constat sur l’état du monde et sont «bibliopathes», boulimiques d’études scientifiques.
Après le dernier rapport alarmiste des experts du Giec publié le 8 octobre, il est apparu aux côtés de youtubeurs pour tenter de créer un lobby citoyen. La vidéo « Il est encore temps » appelle à mener des actions concrètes pour le climat. En la regardant, on se demande comment (sur)vit ce «chercheur in-terre-dépendant». «Je n’ai pas besoin de gagner ma vie, je l’ai, rétorque Pablo Servigne. Je suis en vie. Il y a tout un imaginaire à déconstruire.» Pour remplir l’assiette de sa famille, il est obligé de jouer le jeu du système. « On a fait le choix d’acheter un habitat léger avec nos économies. Ma compagne est médecin, elle travaille peu, ce qu’il faut pour vivre.
«Il peut y avoir un sursaut incroyable rapidement. On a un climat de paix.»
On s’attendait à rencontrer un dépressif au bord du suicide, on s’étonne de trouver un (presque) optimiste. « Il y a beaucoup de choses à faire pour limiter les dégâts, assure-t-il, avant de citer l’étude sur le climat publiée au mois d’août dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences. Selon elle, un effet domino pourrait transformer la Terre en étuve d’ici quelques décennies, même si l’humanité parvient à limiter la hausse des températures à 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels. Le rapport du Giec donne très peu de temps pour se retourner. « Il peut y avoir un sursaut incroyable rapidement, on a une puissance extraordinaire, on a un climat de paix », égrène Pablo Servigne. Son idée est de vivre le mieux possible ensemble avec cette situation. Il faut se raconter de nouvelles histoires : une autre fin du monde est possible.