20 Minutes

Le bioéthanol, un bon tuyau ?

Refroidis par les prix à la pompe, des automobili­stes se laissent tenter par l’E85, plus économique. L’impact de ce carburant sur l’environnem­ent fait toutefois débat.

- Fabrice Pouliquen

D’un côté, il y a le sans-plomb 98, le sans-plomb 95 et le gazole, qui dépassent chacun 1,50 € le litre. De l’autre, il y a l’E85, un carburant qui contient entre 65% et 85% de bioéthanol, et qui est vendu 0,70 € le litre (prix relevé à Paris mardi soir sur le site prix-carburants.gouv.fr). Le calcul est vite fait : convertir sa voiture au bioéthanol est la promesse de belles économies. Le tuyau est d’ailleurs partagé ces derniers jours sur fond de grogne contre la hausse du prix des carburants (lire aussi p. 9).

A vrai dire, de nombreux automobili­stes français ont déjà franchi le pas. En témoigne la hausse des ventes de kits éthanol. Ces boîtiers électroniq­ues permettent à une voiture essence classique d’accéder au précieux carburant. «De quelques ventes par mois en 2011, nous sommes passés à 1500 ventes aujourd’hui », glisse Alexis Landrieu, directeur général de Biomotors, l’un des fabricants. Quant au coût d’installati­on du boîtier, entre 700 et 1400 €, il est vite rentabilis­é, reprendil : «Chaque année, un Français roule en moyenne 15000 km. Avec une voiture qui fait 8 litres au 100, il économiser­a 840 € par an.» Mais, a priori bon pour ses finances, le bioéthanol l’est-il vraiment pour l’environnem­ent?

« A la sortie du pot d’échappemen­t, l’E85 permet déjà de réduire de 5% les émissions de dioxyde de carbone, assure Nicolas Kurtsoglou, responsabl­e carburant au SNPAA, le syndicat national des producteur­s d’alcool agricole. Mais, sur l’ensemble de son cycle de production, la baisse est de 70%. Une partie du CO2 dégagée lors de la combustion de ce bioéthanol est compensée par le CO2 absorbé par les cultures de betterave, de blé ou de maïs [biocarbura­nts de première génération] qui sont utilisés pour produire ce carburant.» Laura Buffet, chargée de mission carburant à l’ONG Transport & Environnem­ent, a une tout autre analyse. « Ces filières prennent rarement en compte les impacts indirects des biocarbura­nts de première génération et qui plombent leur bilan carbone.» La question est surtout posée pour le biodiesel, biocarbura­nt le plus utilisé en Europe. En France, il reste majoritair­ement produit à partir de colza produit sur place. « Mais la part du biocarbura­nt importé, issu notamment d’huile de palme, augmente ces dernières années, reprend Laura Buffet. Elle pourrait croître avec le projet de la bioraffine­rie de la Mède [Bouchesdu-Rhône] que prévoit d’ouvrir Total.» Le contexte est autre pour le bioéthanol. « Nous en consommons en France 8 millions d’hectolitre­s, indique Nicolas Kurtsoglou. Il est à plus de 90% produit dans l’Hexagone, issu de cultures de betterave, de blé ou de maïs. Cette filière génère 9000 emplois en milieu rural et n’utilise que 1% de la surface agricole utile française.» A ses yeux, cette production de bioéthanol n’entre pas en compétitio­n avec les cultures alimentair­es et ne devrait pas en poser davantage si les installati­ons de kit explosaien­t. Laura Buffet n’est pas aussi emballée. «Même si ce biocarbura­nt est produit en France, moins de parcelles agricoles seront consacrées à l’alimentati­on. La demande alimentair­e mondiale étant croissante, il faudra trouver ces terres ailleurs. Ce qui peut être facteur de déforestat­ion et d’augmentati­on des prix des denrées alimentair­es. »

Sa production ne concurrenc­erait pas les cultures alimentair­es.

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L’E85, qui contient jusqu’à 85 % de bioéthanol, coûte moins d’un euro le litre.

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