Des musées bien partagés
Culture Grâce aux réseaux, les musées gagnent de nouveaux visiteurs, qui, eux, semblent plus intéressés par leur image que par les oeuvres
La story publiée sur Instagram le 10 novembre par une influenceuse dénonçant le refus qui lui aurait été fait d’entrer au Louvre à cause de sa tenue est l’occasion de rappeler que cette institution est le musée européen le plus « hashtaggé ». Il l’a été plus de trois millions de fois sur le réseau de partage de photos rien que pour le mois d’octobre, selon une étude de la plateforme Holidu.
« Instagram est un outil de communication comme un autre, et ce, sans intermédiaire, reconnaît Adel Ziane, directeur des relations extérieures du Louvre. Toute institution se doit d’être sur les réseaux sociaux. » Le musée a ainsi un compte sur Facebook (2,4 millions d’abonnés), Twitter (1,4 million), Instagram (2,2 millions) et YouTube (33000). Alors que le nombre de followers augmente de 2 et 8% sur les deux premiers réseaux, il explose sur Instagram (43% depuis janvier). Pour Adel Ziane, ces plateformes sont des déclencheurs de visites : «Quand eje demande aux étudiants, 7 sur 10 admettent être allés à une expo après avoir été influencés par un réseau.»
« La créativité ou le like ? »
Community manager du compte @chateauversailles (427 000 abonnés), Thomas Garnier est « persuadé que les réseaux permettent de faire venir des personnes qui ne seraient pas venues d’elles-mêmes». Il s’appuie pour cela sur les commentaires laissés (« Ça donne envie de venir », « Ça donne envie de faire des photos », « J’arrive dans deux mois », etc.), sans pour autant pouvoir quantifier le nombre de billets achetés grâce aux photos que le château poste sur Instagram. « On touche un autre public que celui de nos campagnes d’affichage dans le métro ou d’un spot télé», estime Thomas Garnier.
Si les musées communiquent via leurs propres posts, les photos des personnes que l’on suit sont également leurs relais. «Il est valorisant de poster des clichés d’un lieu culturel, souligne Catherine Lejealle, sociologue et chercheuse à l’ISC Paris. Ça montre qu’on est quelqu’un de complet, pas uniquement une personne qui ne fait que du shopping dans sa journée. » D’où cette interrogation d’Adel Ziane : «Aujourd’hui, vient-on voir des oeuvres ou vient-on se voir avec les oeuvres ? » De même, « Cherche-t-on la créativité ou le like ? » Au Louvre, comme au château de Versailles, ce sont souvent les photos des mêmes oeuvres, avec le même cadrage, qui sont postées (La Joconde et la Pyramide sont plébiscitées pour le premier, la Galerie des glaces et l’Opéra royal pour le second). « Il y a une uniformisation de ce que l’on met en avant, on cède à la popularité », souligne Catherine Lejealle. Ainsi, dans les concours de photos qu’organise le Louvre sur Instagram, « la victoire ne revient pas forcément aux plus belles photos, aux mieux réalisées, mais aux plus surprenantes ».