20 Minutes

Comment Philippe a réussi à rouvrir les négociatio­ns ?

Le retrait de l’âge pivot du projet de loi permet à l’exécutif d’afficher une ouverture à peu de frais

- Laure Cometti Guillaume Novello

Trois mots auraient-ils débloqué la crise? Samedi, au 38e jour de grève, Edouard Philippe a proposé de «retirer du projet de loi la mesure (…) consistant à converger progressiv­ement à partir de 2022 vers un âge d’équilibre de 64 ans en 2027». Une mesure vue favorablem­ent par la CFDT, la CFTC et l’Unsa. Pourtant, « il n’y a pas grand-chose qui a changé, rien n’est abandonné sur le projet», reconnaît Erwan Balanant, député (Modem) du Finistère. Un recul d’autant plus tactique que le gouverneme­nt maintient le principe d’un âge pivot qui s’appliquera dès 2037.

De mauvais souvenirs

Ce demi-retrait est conditionn­é aux solutions financière­s que les partenaire­s sociaux devront trouver lors de la conférence de financemen­t (lire ci-contre). Le Premier ministre leur laisse trois mois pour proposer des pistes garantissa­nt l’équilibre financier du système des retraites. Le gouverneme­nt chiffrait à 12 milliards d’euros le montant des économies accumulées en 2027, si l’âge pivot était mis en place dès 2022. Si aucune solution n’est trouvée, l’exécutif «prendra par ordonnance les mesures nécessaire­s pour atteindre l’équilibre d’ici à 2027», menaçait Edouard Philippe dans son courrier aux syndicats. Le gouverneme­nt n’a pas écarté le rétablisse­ment de l’âge pivot dès 2022. « Il a déjà exclu de toucher aux cotisation­s patronales, de toucher à l’argent de la Cades [Caisse d’amortissem­ent de la dette sociale], de toucher aux revenus du capital, détaille Olivier Faure, patron du PS. Qu’est-ce qui reste? En janvier, l’âge pivot disparaît, mais en avril il reviendra. »

Un scénario qui rappelle de mauvais souvenirs aux syndicats. «Il refait le coup de l’Assurance-chômage, a réagi la CGT. Au final, c’est le gouverneme­nt qui décidera. » En septembre 2018, le gouverneme­nt avait en effet demandé aux organisati­ons syndicales et patronales de trouver entre elles un accord sur l’Assurance-chômage pour notamment dégager plus de trois milliards d’euros d’économies sur trois ans. Aucun consensus n’ayant émergé, il avait repris la main et imposé un durcisseme­nt des règles d’indemnisat­ion, qualifié de «tuerie» par la CFDT.

«Bien sûr que tout le monde a été échaudé par cet épisode, reconnaît Mylène Jacquot, secrétaire générale de la CFDT Fonctions publiques. Mais il faut tenter, et être encore plus exigeants qu’avant, sans être naïfs. Même en cas d’échec des discussion­s, Edouard Philippe s’inspirera de ce qui a pu y émerger comme solutions alternativ­es à l’âge pivot.»

La mission des partenaire­s sociaux ne s’annonce pas simple, alors que s’ouvrira fin janvier une conférence qui charge les organisati­ons profession­nelles de se mettre d’accord sur les modalités du financemen­t des retraites.

Revenir à « 63 ans » ?

« S’il y a un accord, il sera minoritair­e, étant donné la situation syndicale », estime Dominique Andolfatto, professeur de sciences politiques à l’université de Bourgogne. «Il n’y a que la CFDT qui peut vraiment toper, ajoute Bertrand Martinot, expert des retraites au sein du think tank libéral Institut Montaigne. Il y a aussi l’Unsa, mais elle n’est pas représenta­tive au niveau national.» Les syndicats contestata­ires, comme la CGT, FO, Sud et FSU, n’iront pas « pour faire de la présence, ils vont aligner quelques arguments », note Dominique Andolfatto.

Pour Bertrand Martinot, la CFDT détient les clés d’un éventuel accord, avec «des mesures de bricolage de court terme en mobilisant le fonds de réserve pour les retraites, en affectant des taxes au financemen­t des retraites. Peut-être que le point de sortie, c’est de revenir à 63 ans avec un cocktail de mesures un peu pipeau. »

Mais Bertrand Martinot met en garde : « Ces mesures reviendrai­ent à creuser des trous ailleurs pour boucher celui des retraites» et «mobiliser un fonds de réserve pour financer des dépenses courantes, ça n’a pas de sens». Mais l’enjeu pour le gouverneme­nt est d’avoir «un accord ou, au moins, un relevé de conclusion­s communes qui seraient acceptable­s par les syndicats réformiste­s», juge le professeur. Enfin, dans l’hypothèse où l’accord signé n’est pas bon, le gouverneme­nt acceptera-t-il de le reprendre?

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Edouard Philippe a demandé aux syndicats une solution pour atteindre l’équilibre financier du système des retraites.
##JEV#144-84-https://tinyurl.com/tmdfvt3##JEV# Edouard Philippe a demandé aux syndicats une solution pour atteindre l’équilibre financier du système des retraites.

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