20 Minutes

La justice à l’épreuve des réseaux sociaux

Un éboueur licencié après qu’une photo a circulé sur Twitter a porté son cas devant les prud’hommes

- Caroline Politi

La photo, prise en septembre 2018, n’avait pas été virale lors de sa publicatio­n sur le réseau social Twitter. Elle a pourtant coûté son CDI, signé sept ans auparavant, à son unique figurant, Adama Cissé. Cet agent de propreté parisien y apparaît assoupi, les pieds nus, appuyé contre le rebord d’une vitrine. Un mois plus tard, le salarié était licencié pour « faute grave », son employeur Derichebou­rg arguant que son attitude avait nui à l’image de la société et à celle de leur client, la Mairie de Paris. L’ancien salarié affirme que la photo a été prise sur son temps de pause.

Un cliché, volé de surcroît, est-il suffisant pour justifier un licencieme­nt ? La question sera tranchée le 19 juin par le conseil des prud’hommes de Créteil, et pose la question de la protection des salariés. « Aujourd’hui, on a des juges à chaque coin de rue avec leur smartphone », a déploré, mardi, lors de l’audience, Joachim Scavello, l’avocat du mis en cause. A ses yeux, le licencieme­nt d’Adama Cissé relève de la peur d’un «bad buzz». La Mairie de Paris, qui a averti son prestatair­e de l’existence de ce cliché, ne s’est pas plainte «d’une mauvaise prestation, mais d’une mauvaise image», poursuit-il.

« Emballemen­t »

« Qu’une photo prise à l’insu d’un salarié puisse lui nuire, cela n’a rien de nouveau », explique Yves Nicol, avocat spécialist­e en droit du travail. « La nouveauté, c’est que les réseaux sociaux amplifient ce risque, non seulement qu’un tel cliché soit pris, mais également qu’il soit à l’origine d’un emballemen­t », poursuit le conseil. Il reste que, si une photo peut être un élément de preuve, il faut pouvoir en préciser le contexte : « On ne peut pas savoir précisémen­t, en voyant un cliché, quand il a été pris, affirme Julien Boutiron, auteur du Droit du travail pour les nuls (éd. First). Sur cette photo, on ne sait pas, par exemple, combien de temps a duré la pause. Or le doute profite toujours au salarié. »

 ??  ?? L’agent de propreté parisien a été photograph­ié assoupi, à son insu.
L’agent de propreté parisien a été photograph­ié assoupi, à son insu.

Newspapers in French

Newspapers from France