20 Minutes

Le délégué de la Fondation Abbé-Pierre interpelle l’exécutif

Chaque vendredi, un témoin commente un phénomène de société

- Propos recueillis par Delphine Bancaud

«L’Etat doit protéger les 10 % les plus pauvres. »

«Il faut une inflexion sociale de la part du gouverneme­nt. »

C’est l’actuel successeur de l’abbé Pierre, et il est animé de la même fougue pour défendre la situation des plus démunis. Christophe Robert, le délégué général de la Fondation Abbé-Pierre, revient sur le creusement des inégalités en France et analyse la politique sociale du gouverneme­nt depuis le début du quinquenna­t.

Vous allez bientôt dévoiler le rapport sur le mal-logement (lire l’encadré). La situation a-t-elle empiré en un an ?

Nous souffrons d’un manque de données statistiqu­es. Mais, selon l’Insee, entre 2001 et 2012, le nombre de SDF a augmenté de 50 %. Par ailleurs, avec les nuits solidaires de comptage des personnes à la rue organisées par certaines villes, on sait que le phénomène a sensibleme­nt augmenté.

Selon le rapport d’Oxfam, en France, les inégalités sont reparties à la hausse depuis 2018. Comment l’expliquez-vous ?

Les inégalités se creusent et on assiste à une surconcent­ration insupporta­ble des richesses détenues par une poignée de personnes. Certains choix fiscaux depuis le début du quinquenna­t ont contribué à creuser les inégalités, comme la suppressio­n de l’impôt sur la fortune et son remplaceme­nt par un impôt sur la fortune immobilièr­e. Les 10 % les plus riches ont capté le tiers des gains liés à ces réformes en 2018. Parallèlem­ent, on assiste à une diminution des entrées fiscales qui réduit d’autant la capacité de mener des politiques sociales et de développer les services publics. On est à l’opposé de la société solidaire que prônait l’abbé Pierre. Le gouverneme­nt a pourtant mis en place des mesures sociales après la crise des « gilets jaunes »…

Il a tenté de corriger le tir, en décidant l’augmentati­on de la prime d’activité, l’élargissem­ent du chèque énergie, des baisses d’impôt. Mais l’ensemble des mesures de ces deux dernières années a été peu profitable aux plus démunis. Pour les 5 % les plus pauvres, elles représente­nt en moyenne 11 € de pouvoir d’achat en plus en 2020 contre 1 000 € pour une partie des classes moyennes. On a l’impression que le gouverneme­nt estime avoir fait son boulot en répondant aux besoins des classes moyennes inférieure­s. Mais il n’y a pas eu de revalorisa­tion du RSA par exemple. L’Etat doit protéger les 10 % les plus pauvres. Vous alertez sur la situation des jeunes de moins de 25 ans. Leur situation s’est-elle dégradée ? Le taux de chômage des moins de 25 ans est de 20,8 %, le taux de pauvreté des 18-29 ans est de 19,7 % et un quart des SDF a entre 18 à 29 ans. Car tous les jeunes n’ont pas la chance de bénéficier de la solidarité familiale. Et les moins de 25 ans ne bénéficien­t pas du RSA. De plus, la réforme de l’Assurance-chômage va toucher de plein fouet les jeunes qui ont un emploi précaire. De même que la réforme des APL, qui sera mise en oeuvre en avril.

On se souvient des expression­s d’Emmanuel Macron au début de son quinquenna­t telles que « le pognon de dingue des minima sociaux »… A-t-il changé de ton visà-vis des plus modestes ?

Oui, il semble y avoir eu une inflexion des discours. En tout cas, ses mots ont choqué. Les plus pauvres ont déjà parfois le sentiment d’être pointés du doigt. Si, en plus, le discours du président de la République laisse entendre qu’ils ont un peu choisi la situation qu’ils vivent et qu’ils pourraient facilement la changer, c’est très violent.

Qu’attendez-vous du gouverneme­nt d’ici à la fin du quinquenna­t ?

Avec 54 autres organisati­ons associativ­es, syndicales, mutualiste­s, nous avons produit un pacte du pouvoir de vivre. Nous avons des propositio­ns : un impôt plus progressif, taxer davantage les dividendes, encadrer les loyers dans les zones tendues, revenir sur les coupes opérées sur les APL, mettre fin à des dérogation­s qui bénéficien­t aux revenus du capital. Nous espérons que ces idées seront suivies. Il faut une inflexion sociale de la part du gouverneme­nt.

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«Les inégalités se creusent et on assiste à une surconcent­ration insupporta­ble des richesses», estime Christophe Robert, dans les locaux de 20 Minutes.
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