20 Minutes

«Il faut rester modeste »

La médecin Hélène Merle-Béral estime que repousser les limites de la mort n’est pas impossible

- Propos recueillis par Laure Beaudonnet

Pourquoi l’homme devrait-il supporter de vieillir ? Le transhuman­isme n’a pas peur d’envisager l’immortalit­é comme une réalité future. Hélène Merle-Béral, médecin, spécialist­e des leucémies, étudie, elle, cette injustice dont font l’objet la plupart des espèces vivantes dans L’Immortalit­é biologique, qui a été publié mercredi chez Odile Jacob.

Vous parlez d’immortalit­é biologique dans votre livre, pouvez-vous expliquer ce que c’est ?

L’immortalit­é biologique existe, on peut l’observer dans la nature. C’est la capacité pour un organisme de rajeunir et de vieillir éternellem­ent. Il n’y a qu’un exemple, c’est la méduse Turritopsi­s nutricula. Elle peut vivre sous deux formes. Quand elle est dans des conditions de stress, elle repasse à l’état de polype, elle inverse le processus de vieillisse­ment. Quand les conditions extérieure­s sont meilleures, elle peut redevenir méduse.

Certains transhuman­istes pensent que l’homme qui vivra 1000 ans est déjà né. Qu’en pense la médecine ?

La médecine, bien sûr, n’est pas d’accord. On commence à décrypter beaucoup de mécanismes, mais on ne sait pas comment tout s’enchaîne. Les facteurs génétiques, les radicaux libres, les oxydants, ce qui détruit nos molécules ADN… On tâtonne, mais on avance quand même. Ça me paraît vertigineu­x de repousser les limites de la mort, mais ça ne me paraît pas impossible.

A quel âge pourra-t-on espérer mourir ?

Aujourd’hui, on admet que la nature humaine ne peut pas dépasser 115 ans. Jeanne Calment détient le record mondial à 122 ans, mais il n’y a pas d’autres exemples. On dénombre pas mal de centenaire­s dans le monde. Je pense que, avec tous les progrès, on pourrait banaliser ce phénomène. La médecine préventive se développe rapidement. Quand j’ai commencé en tant qu’hématologi­ste, il y a une trentaine d’années, certaines maladies du sang étaient inéluctabl­ement mortelles. Maintenant, on les guérit. Pourquoi ne pourrait-on pas réaliser des choses dans vingt ans qui nous paraissent impossible­s aujourd’hui ? Mais il faut rester modeste. L’immortalit­é, honnêtemen­t, non.

Avez-vous été surprise par une récente avancée technique ?

Concernant le vieillisse­ment, pas par grand-chose. Le plus répandu, aujourd’hui, ce sont les crèmes – ça n’a jamais vraiment marché – et la chirurgie.

Si vous faites appel à votre imaginatio­n, qu’est-ce qui vous semble le plus proche d’arriver ?

Interfacer le cerveau avec de l’intelligen­ce artificiel­le et avoir un cerveau numérisé, virtuel, c’est un cauchemar, mais pas une réalité tangible. Ce qui me paraît le plus réalisable, ce sont les progrès médicaux. Pas une immortalit­é, mais le ralentisse­ment du délabremen­t de la vieillesse.

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Jeanne Calment (ici, à 114 ans) est décédée à 122 ans : une exception.

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