«Les enfants sont les premières victimes»
Un documentaire suit Delphine Thouillon, juge aux affaires familiales à Créteil
«Je sais que les enfants ont leur mot à dire.» C’est ainsi que Louis, 12 ans, dont les parents se séparent, a commencé sa lettre à Delphine Thouillon, juge aux affaires familiales à Créteil (Val-de-Marne). Le documentaire « La Séparation, les Enfants d’abord », diffusé sur France 5 mardi à 20h50 dans « Le Monde en face », suit des familles accompagnées par la magistrate.
Combien d’enfants vous écrivent dans le cadre d’un divorce conflictuel ?
En 2019, les juges aux affaires familiales de Créteil ont auditionné 287 enfants sur les 4888 nouveaux dossiers dont nous avons été saisis. Aujourd’hui, plus de la moitié des divorces se règlent par consentement mutuel. Nous nous occupons de ceux pour lesquels cela n’a pas été le cas.
Vous expliquez que ce n’est pas parce qu’un « enfant souhaite quelque chose » que vous y accéderez. Qu’est-ce qui guide vos décisions ?
L’intérêt de l’enfant. Il faut se projeter dans l’avenir. On se demande où il sera le mieux. Ou le moins mal. Il faut trouver des solutions pour aider une famille à s’apaiser. Cela peut passer par une médiation, une thérapie familiale ou par l’aide sociale à l’enfance qui met en place une aide éducative. Il faut garder à l’esprit que dans ces conflits, les enfants sont les premières victimes. Quelle place accordez-vous aux sollicitations des enfants ? L’audition d’un enfant est un élément du dossier parmi d’autres. On tient également compte de la pratique des parents, des enquêtes sociales ou des expertises ordonnées. On cherche à savoir s’il y a une cause réelle et sérieuse – des violences physiques ou psychologiques notamment – qui justifie le fait qu’il ne souhaite plus voir un de ses parents. On remarque souvent qu’en cas de conflit, il va, plus ou moins consciemment, prendre le parti du parent gardien pour s’acheter une sorte de tranquillité. Dans ce cas, notre rôle est de maintenir le lien.