A Rouen, l’incendie de l’usine Lubrizol rebat les cartes pour le parti écologiste
Après l’incendie de l’usine à Rouen il y a cinq mois, le projet écologiste rencontre un autre écho
«On est à quelques kilomètres de l’hypercentre, mais on n’est pas mal, là?» Au milieu des mares et de la verdure, Jean-Michel Bérégovoy est dans son élément. Le candidat EELV à la mairie de Rouen évoque le combat citoyen gagné il y a plus de vingt ans pour préserver la zone humide de Repainville, alors menacée par la construction d’une entreprise de grande distribution. Un lieu symbole de ce que propose l’élu, soutenu par les communistes et Génération-s dans la bataille des municipales. « Il est important de proposer un projet de réenchantement, donner une autre image de la ville après la catastrophe de Lubrizol…», déclare Jean-Michel Bérégovoy.
La fin d’un bastion socialiste?
Le 26 septembre, un incendie a ravagé l’usine et emporté des milliers de fûts de produits chimiques. Depuis, l’entreprise classée Seveso a repris son activité, mais une drôle d’odeur se fait toujours sentir. «La gestion de crise a été catastrophique et on attend des réponses sur ce qu’il s’est passé et ses conséquences, souffle Simon de Carvalho, coprésident de l’association Les Sinistrés de Lubrizol. Je pense qu’il y a eu une prise de conscience de la population sur la question écologique.»
De l’aveu même de ses adversaires, la liste écologique pourrait profiter du drame. «Il y a eu un effet Lubrizol, les gens ont fait la connexion avec les écologistes car on a une légitimité, la sécurité des sites Seveso [il y en a 14 dans la ville] est un de nos combats depuis quinze ans», témoigne Stéphane Martot, secrétaire EELV de Rouen. «On n’a pas envie de parler de Lubrizol en permanence, mais notre programme est en adéquation avec ce qu’il s’est passé», balaie Jean-Michel Bérégovoy. En parler prudemment, donc, pour ne pas se voir accusés de « récupération ». EELV espère bien faire tomber dans son escarcelle la ville industrielle de 115000 habitants. «On arrive à une fin de cycle, observe l’eurodéputé écologiste et élu de la métropole rouennaise David Cormand. La période socialiste des années 1990, autour de la personnalité de Laurent Fabius, s’achève. Les thématiques ont évolué, le décor industriel est moins important que par le passé.»
Les écologistes veulent incarner l’alternance à gauche, le maire socialiste sortant, Yvon Robert, ne se représentant pas. Mais le PS ne l’entend pas de cette oreille. «Si l’écologie est l’enjeu majeur du siècle, pourquoi serait-il l’apanage d’un seul parti?», interroge Nicolas Mayer-Rossignol, conseiller municipal et candidat socialiste. « Je n’ai pas attendu les européennes pour en parler, assure de son côté Jean-Louis Louvel, soutenu par LREM, LR et les centristes. Ça fait trente ans que je parle de développement durable, d’économie solidaire... »
Aux dernières municipales, Jean-Michel Bérégovoy avait recueilli 11,09% des voix. Mais le neveu de l’ex-Premier ministre Pierre Bérégovoy pense que le temps des écolos est venu. «On espère que des grosses cheminées de Lubrizol sortira une fumée verte», confie-t-il.