Cultive ton jardin (mais pas trop)
Plusieurs voix prônent une nouvelle façon de jardiner, en laissant plus de liberté à la nature afin de favoriser la biodiversité
Laissez pousser l’herbe. C’est la recommandation, depuis plusieurs années, d’Eric Lenoir, auteur du Petit Traité du jardin punk (éd. Terre vivante), qu’il met en pratique au Flerial, son jardin expérimental de 14000 m² dans l’Yonne. Il n’est pas le seul à demander d’y aller mollo sur la tondeuse. Le réalisateur de documentaires animaliers Sylvain Lefebvre ou Jean-Louis Hemptinne, professeur d’écologie à l’université de Toulouse et directeur de recherche CNRS du laboratoire évolution et diversité biologique donnent le même conseil.
L’idée n’est pas de ne plus tondre, mais de le faire moins souvent, tempèrent-ils. «Il y a un compromis à trouver dans l’aménagement de son jardin, appelle Jean-Louis Hemptinne. Entre une partie régulièrement tondue pour que les enfants puissent y jouer et une autre où l’on laisse l’herbe pousser ou que l’on coupe seulement deux fois dans l’année. » Yves Verilhac, directeur de la Ligue de protection des oiseaux ajoute une autre recommandation : « Ne plus tailler les haies ou élaguer les arbres entre mi-mars et fin juin, jusqu’à la fin de la période de nidification. »
Ces derniers temps, les quatre spécialistes avaient le sentiment d’être plus audibles. Les deux mois de confinement liés à la crise sanitaire devraient aider un peu plus encore. «D’un seul coup, les gens ont découvert ce qu’était une pelouse non tondue», glisse Eric Lenoir. Laissez plus de libertés à la nature, la faune et la flore sauvages vous le rendront au centuple, assure Sylvain Lefebvre, qui en veut pour preuve « Jardin sauvage », documentaire animalier tourné dans son jardin, à Acigné (Ille-et-Vilaine). On y suit le passage d’un écureuil roux, le premier envol de mésanges charbonnières ou la métamorphose d’une libellule. Sylvain Lefebvre aurait pu compléter son film avec les rencontres faites pendant le confinement. «Pour la première fois, une famille de rouges-gorges s’est installée dans un de mes nichoirs», raconte-t-il. La récompense d’un processus qui a pour point de départ, entre autres, le fait de laisser des parcelles d’herbes hautes. L’herbe pousse et, avec, de nombreuses fleurs mellifères (dont le nectar est convoité par les abeilles). Bleuets, coquelicots, nigelles de Damas… « C’est un garde-manger primordial pour les insectes, explique Sylvain Lefebvre. Même les pissenlits et les orties, alors que notre premier réflexe est bien souvent de les supprimer, jouent un rôle essentiel.» Et s’il y a des insectes en abondance, les oiseaux ne seront pas loin. Yves Verilhac invite à les voir comme des thermomètres de la nature : « S’ils se plaisent dans votre jardin, c’est qu’il est riche en biodiversité. »
«Les gens ont découvert ce qu’était une pelouse non tondue. »
Eric Lenoir, paysagiste