20 Minutes

Cultive ton jardin (mais pas trop)

Plusieurs voix prônent une nouvelle façon de jardiner, en laissant plus de liberté à la nature afin de favoriser la biodiversi­té

- Fabrice Pouliquen

Laissez pousser l’herbe. C’est la recommanda­tion, depuis plusieurs années, d’Eric Lenoir, auteur du Petit Traité du jardin punk (éd. Terre vivante), qu’il met en pratique au Flerial, son jardin expériment­al de 14000 m² dans l’Yonne. Il n’est pas le seul à demander d’y aller mollo sur la tondeuse. Le réalisateu­r de documentai­res animaliers Sylvain Lefebvre ou Jean-Louis Hemptinne, professeur d’écologie à l’université de Toulouse et directeur de recherche CNRS du laboratoir­e évolution et diversité biologique donnent le même conseil.

L’idée n’est pas de ne plus tondre, mais de le faire moins souvent, tempèrent-ils. «Il y a un compromis à trouver dans l’aménagemen­t de son jardin, appelle Jean-Louis Hemptinne. Entre une partie régulièrem­ent tondue pour que les enfants puissent y jouer et une autre où l’on laisse l’herbe pousser ou que l’on coupe seulement deux fois dans l’année. » Yves Verilhac, directeur de la Ligue de protection des oiseaux ajoute une autre recommanda­tion : « Ne plus tailler les haies ou élaguer les arbres entre mi-mars et fin juin, jusqu’à la fin de la période de nidificati­on. »

Ces derniers temps, les quatre spécialist­es avaient le sentiment d’être plus audibles. Les deux mois de confinemen­t liés à la crise sanitaire devraient aider un peu plus encore. «D’un seul coup, les gens ont découvert ce qu’était une pelouse non tondue», glisse Eric Lenoir. Laissez plus de libertés à la nature, la faune et la flore sauvages vous le rendront au centuple, assure Sylvain Lefebvre, qui en veut pour preuve « Jardin sauvage », documentai­re animalier tourné dans son jardin, à Acigné (Ille-et-Vilaine). On y suit le passage d’un écureuil roux, le premier envol de mésanges charbonniè­res ou la métamorpho­se d’une libellule. Sylvain Lefebvre aurait pu compléter son film avec les rencontres faites pendant le confinemen­t. «Pour la première fois, une famille de rouges-gorges s’est installée dans un de mes nichoirs», raconte-t-il. La récompense d’un processus qui a pour point de départ, entre autres, le fait de laisser des parcelles d’herbes hautes. L’herbe pousse et, avec, de nombreuses fleurs mellifères (dont le nectar est convoité par les abeilles). Bleuets, coquelicot­s, nigelles de Damas… « C’est un garde-manger primordial pour les insectes, explique Sylvain Lefebvre. Même les pissenlits et les orties, alors que notre premier réflexe est bien souvent de les supprimer, jouent un rôle essentiel.» Et s’il y a des insectes en abondance, les oiseaux ne seront pas loin. Yves Verilhac invite à les voir comme des thermomètr­es de la nature : « S’ils se plaisent dans votre jardin, c’est qu’il est riche en biodiversi­té. »

«Les gens ont découvert ce qu’était une pelouse non tondue. »

Eric Lenoir, paysagiste

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Laisser pousser l’herbe peut favoriser la présence des oiseaux.

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