Les voix intérieures du viol dévoilées
«I May Destroy You», la série de Michaela Coel, que «20 Minutes» a pu interviewer, décrit précisément le mécanisme de la dissociation
Arabella est une jeune écrivaine en herbe. Un soir, alors que l’inspiration ne vient pas et que la «deadline» approche, elle sort en boîte. Et c’est là que se produit l’événement qui servira de fil conducteur à toute la série I May Destroy You, diffusée sur OCS à partir de ce lundi : un viol, qui lui revient ensuite par bribes, après un black-out. Un viol filmé en caméra subjective, depuis les yeux mêmes d’Arabella.
La mémoire traumatique
La réalisatrice Michaela Coel explore les affres du corps, avec un sujet très peu filmé : la mémoire traumatique du viol. La série décrit dans ses premiers épisodes avec minutie ce que la psychiatre Muriel Salmona essaie d’enseigner à notre société depuis des années : les terribles conséquences psychologiques de ce crime. On voit par exemple les réminiscences intrusives envahir la conscience d’Arabella, jouée par Michaela Coel elle-même. Elles sont déclenchées par des choses aussi anodines que la vision d’un verre, rappelant celui qui a précédé le viol. « C’est vraiment du regard féminin car on est dans sa tête, dans son corps, et on vit avec elle le trauma qui ressurgit», analyse pour 20 Minutes Iris Brey, autrice du livre Le Regard féminin, Une révolution à l’écran (L’Olivier). Interviewée par 20 Minutes lors d’une table ronde sur Zoom avec plusieurs autres journalistes, Michaela Coel précise : « J’ai essayé de faire en sorte que ma vision domine le show, et je suis une femme. » Si les scènes de viol ne sont pas rares dans le cinéma ou les séries, elles sont très peu tournées « du point de vue de la victime ». « On ne voit jamais le traumatisme du viol et son cheminement », résume Iris Brey. C’est sous cet angle que I May Destroy You est vraiment novatrice, même si de telles expériences commencent à être montrées depuis quelques années (lire l’encadré).
Si Michaela Coel décrit si justement l’expérience du viol, c’est peut-être aussi parce qu’elle en a été victime elle-même : «Je ne pense pas qu’écrire cette série aurait pu remplacer une thérapie, mais écrire cette série a été très cathartique. » Pour toutes les personnes qui ont vécu des expériences similaires, et elles sont nombreuses, elle leur permettra peut-être de se sentir moins seules.