« Esther a trouvé la crise “reloue”»
L’auteur Riad Sattouf dévoile les différences entre la vraie Esther et son alter ego des «Cahiers», dont le cinquième tome est publié ce jeudi
Cinq ans après avoir commencé à dessiner les tranches de vie de la fille d’un couple d’amis, l’auteur de BD et réalisateur Riad Sattouf publie ce jeudi le cinquième tome des «Cahiers d’Esther». Ce volume, dans lequel Esther fête ses 14 ans, marque la mi-parcours d’une expérience éditoriale planifiée sur dix ans. L’occasion de faire un «bilan de mi-temps».
En cinq ans, votre collaboration avec Esther n’est-elle pas devenue routinière ?
Routinière, non ; mais régulière, oui. En tout cas, nos échanges n’ont rien d’un rituel ! Je ne lui demande jamais : « Bon, qu’est-ce qu’on va trouver cette semaine ? » En fait, quand je l’appelle ou qu’on échange des messages, elle me raconte généralement, de manière très spontanée, trois ou quatre anecdotes dont je sais tout de suite que je pourrai en tirer quelque chose.
Comment ses confidences peuventelles encore conserver leur naturel ?
C’est une question très intéressante. Lorsque j’ai commencé ce projet, ce qui me plaisait beaucoup, c’était qu’elle se fichait complètement de ce que j’allais faire de ses histoires. Elle était comme un pingouin qui, sur la banquise, vient taper sur l’objectif de la caméra d’un documentariste animalier [rires]. Mais le temps passant, la série est effectivement devenue très populaire. Et elle a un peu commencé à halluciner.
Au point de « prendre la grosse tête » ?
Non, pas du tout! Mais d’être un peu troublée, certainement. Par exemple, une anecdote l’a marquée : un jour, elle m’a parlé de sa passion pour la chanteuse Angèle. J’ai donc réalisé une histoire autour de cette passion, qu’Angèle a lue et dont elle a publié une case sur son propre compte Instagram. Là, la vraie Esther n’en est pas revenue. Mais je la préserve en faisant en sorte, par exemple, que ses copines ne puissent pas la reconnaître en lisant la série. Comment Esther a-t-elle vécu la récente crise sanitaire ?
Elle était, comme des millions d’écoliers, extrêmement contente quand le président Macron a annoncé la fermeture des établissements scolaires [rires]. Ensuite, elle s’est trouvée confinée à Paris avec ses parents et elle a trouvé ça un peu « relou » parce qu’elle avait très envie de voir ses copines. Tout ça sera évoqué dans le tome 6 des « Cahiers d’Esther », l’an prochain. Qu’apporte cette expérience à l’artiste, et à l’homme, que vous êtes?
En tant qu’amoureux absolu de Joseph Kessel, je trouve que les seuls territoires qui demeurent méconnus sont ces gouffres qui séparent les générations. Depuis la nuit des temps, adultes et adolescents passent leur temps à essayer de s’apprivoiser les uns les autres. Donc ce que m’apporte cette expérience, c’est ce plaisir de la découverte !