La vérité n’est pas très Net
Les fake news, qui se nourrissent de la peur, ont fleuri pendant la crise sanitaire. Le phénomène est-il amené à durer?
Les théories conspirationnistes n’ont jamais fait autant d’adeptes. Les réseaux sociaux et la défiance envers le pouvoir en place leur ont rendu la vie facile. La crise sanitaire n’a pas été épargnée par les fake news : le Covid-19 se propagerait grâce à la 5G, il aurait été fabriqué dans un laboratoire, il serait destiné à un puçage électronique… La société est-elle condamnée à être de plus en plus conspirationniste?
Les récits fantasmagoriques ont toujours existé et il n’y a pas de raison de les voir disparaître de sitôt. « Si vous remontez à l’époque de la peste noire au XIVe siècle, c’étaient les juifs qui empoisonnaient [soi-disant] les puits », pointe Thomas Huchon, journaliste, réalisateur et spécialiste des questions numériques. Seule différence : les réseaux sociaux ont offert à ces rumeurs un terrain de jeu plus favorable.
« Un peu comme une serre pour des plantes, Internet leur offre la possibilité de se constituer », explique Rudy Reichstadt, fondateur de l’Observatoire du conspirationnisme.
Alors que le Web donne plus facilement accès aux connaissances qu’avant, les réseaux sociaux ont été conçus pour s’adresser avant tout à nos émotions. Des plateformes comme Facebook ou YouTube mettent en valeur les contenus qui créent des réactions. Plus une publication fait réagir, plus elle est partagée et plus elle est mise en valeur. Et la plupart des gens réagissent à la peur et à l’indignation. « Tant qu’on accédera à l’information en faisant un usage permanent du clivage et de la colère, j’ai tendance à croire que ça va empirer », estime Thomas Huchon.
Mais pourquoi sommes-nous attirés par ces théories? Parce qu’elles sont rassurantes. « Lorsqu’on est placé dans une situation d’incertitude, il y a une perte de contrôle qui est corrélée à une plus forte adhésion aux théories du complot, décrit Rudy Reichstadt. On clôt le champ du questionnement. D’une certaine manière, ça nous apaise.»
Les théories du complot sont autant un symptôme de la défiance qu’un agent actif du creusement de cette défiance. « C’est un phénomène de crédulité : on a envie de croire », poursuit Rudy Reichstadt. Il n’est plus question d’esprit critique, bien au contraire. « Douter de tout ou tout croire, ce sont des solutions également commodes, qui l’une et l’autre nous dispensent de réfléchir », confirmait (avec un siècle d’avance) le philosophe des sciences Henri Poincaré.
«Une perte de contrôle est corrélée à une plus forte adhésion aux théories du complot.»
Rudy Reichstadt, fondateur de l’Observatoire du conspirationnisme