«On attendait notre mort»
Les otages ont raconté mercredi, au procès, le huis clos dans l’Hyper Cacher
Aujourd’hui, Jean-Luc peine à fermer la porte de sa chambre. «Je ne ferme jamais les volets », précise cet élégant quinquagénaire, devant la cour d’assises spéciale qui juge, jusqu’au 10 novembre, les attentats de janvier 2015. Depuis la prise d’otages de l’Hyper Cacher à Paris (20e), où il a passé plus de quatre heures dans la chambre froide, il ne supporte plus l’enfermement. Lorsqu’il entend les premiers claquements de la kalachnikov d’Amedy Coulibaly, Jean-Luc dévale, avec une quinzaine de clients, les escaliers au fond du magasin. Piégés au soussol, ils se répartissent dans les deux chambres froides. Dans ce congélateur, qu’ils ont débranché, ils sont six, dont un bébé de 10 mois qu’il faut occuper pour éviter qu’il pleure et attire l’attention. « On n’osait pas respirer tant on ne voulait pas faire de bruit », se souvient
Jean-Luc. Du « haut », ils ignorent tout. «On attendait notre mort», confie-t-il d’une voix blanche.
La première fois que l’une des caissières du magasin, sur ordre d’Amedy Coulibaly, est venue leur dire de remonter, Brigitte a refusé de la suivre. Une énième fois, une otage descend. « Je dis à mon mari : “On monte.” On ne peut pas laisser cette personne qui nous supplie. » A peine ont-ils emprunté les escaliers que l’horreur est sous leurs yeux. Yoav Hattab, qui s’était emparé d’une des armes de Coulibaly, gît en haut des escaliers, les obligeant à « marcher dans son sang ».
Appuyée à la barre, Brigitte réprime un sanglot en se remémorant les râles insoutenables.
Appuyée à la barre, cette femme de 50 ans réprime un sanglot en se remémorant les râles insoutenables de Yohan Cohen, grièvement blessé au visage, qui a agonisé plus d’une heure. Elle ne peut s’empêcher de se boucher les oreilles. Amedy Coulibaly la remarque, s’adresse à elle. «Il me prend la tête, ça commence à m’énerver, vous voulez qu’on l’abatte, on sera plus tranquilles ? » Encore aujourd’hui, Brigitte ressent de la honte à ne pas avoir pu affronter la souffrance du jeune homme de 20 ans, abattu par le terroriste. Comme elle a «honte» de se dire parfois : «J’aurais préféré mourir dans cet Hyper Cacher.»