20 Minutes

«On attendait notre mort»

Les otages ont raconté mercredi, au procès, le huis clos dans l’Hyper Cacher

- Caroline Politi

Aujourd’hui, Jean-Luc peine à fermer la porte de sa chambre. «Je ne ferme jamais les volets », précise cet élégant quinquagén­aire, devant la cour d’assises spéciale qui juge, jusqu’au 10 novembre, les attentats de janvier 2015. Depuis la prise d’otages de l’Hyper Cacher à Paris (20e), où il a passé plus de quatre heures dans la chambre froide, il ne supporte plus l’enfermemen­t. Lorsqu’il entend les premiers claquement­s de la kalachniko­v d’Amedy Coulibaly, Jean-Luc dévale, avec une quinzaine de clients, les escaliers au fond du magasin. Piégés au soussol, ils se répartisse­nt dans les deux chambres froides. Dans ce congélateu­r, qu’ils ont débranché, ils sont six, dont un bébé de 10 mois qu’il faut occuper pour éviter qu’il pleure et attire l’attention. « On n’osait pas respirer tant on ne voulait pas faire de bruit », se souvient

Jean-Luc. Du « haut », ils ignorent tout. «On attendait notre mort», confie-t-il d’une voix blanche.

La première fois que l’une des caissières du magasin, sur ordre d’Amedy Coulibaly, est venue leur dire de remonter, Brigitte a refusé de la suivre. Une énième fois, une otage descend. « Je dis à mon mari : “On monte.” On ne peut pas laisser cette personne qui nous supplie. » A peine ont-ils emprunté les escaliers que l’horreur est sous leurs yeux. Yoav Hattab, qui s’était emparé d’une des armes de Coulibaly, gît en haut des escaliers, les obligeant à « marcher dans son sang ».

Appuyée à la barre, Brigitte réprime un sanglot en se remémorant les râles insoutenab­les.

Appuyée à la barre, cette femme de 50 ans réprime un sanglot en se remémorant les râles insoutenab­les de Yohan Cohen, grièvement blessé au visage, qui a agonisé plus d’une heure. Elle ne peut s’empêcher de se boucher les oreilles. Amedy Coulibaly la remarque, s’adresse à elle. «Il me prend la tête, ça commence à m’énerver, vous voulez qu’on l’abatte, on sera plus tranquille­s ? » Encore aujourd’hui, Brigitte ressent de la honte à ne pas avoir pu affronter la souffrance du jeune homme de 20 ans, abattu par le terroriste. Comme elle a «honte» de se dire parfois : «J’aurais préféré mourir dans cet Hyper Cacher.»

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La supérette à Paris (20e).

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