20 Minutes

Elle joue pour les corps sensibles

Claire Oppert a développé une méthode d’art-thérapie auprès de personnes handicapée­s qu’elle applique désormais en hôpital

- Virginie Tauzin

Avant d’entrer, elle consulte le dossier médical du patient et écoute les transmissi­ons, ces quelques mots confiés par le soignant. «J’ai besoin de connaître des éléments de sa vie, comment s’est passée sa journée, comment fonctionne­nt ses traitement­s», raconte Claire Oppert. Vient le moment de la visite : «Je demande au patient ou à la patiente ce qu’il ou elle veut entendre.» Quelque chose de doux ou de joyeux, qui rappelle des souvenirs ou au contraire les efface l’instant d’un morceau… «Dans cette démarche d’art-thérapie, on s’adresse à la partie saine et vivante de la personne.» Résultat : les patients sont transformé­s. « Les plus grabataire­s, agressifs, se calment, confie la musicienne. Les plus lointains bougent leurs orteils.»

Elle dit qu’elle n’est ni la première ni la dernière à user de la musique pour calmer l’anxiété, amoindrir la douleur. Certes, mais son approche est plus scientifiq­ue qu’il n’y paraît. Son ouvrage Le Pansement Schubert (ed. Denoël), qui relate plus de vingt ans d’une pratique commencée auprès d’un public en situation de handicap, est au départ une étude scientifiq­ue. Elle y montre comment la musique permet de récupérer des capacités motrices et cognitives. Est-ce une vertu propre au violoncell­e ? «Disons que dans ce domaine le violoncell­e est roi. Grâce à ses vibrations, c’est l’instrument le plus proche de la voix humaine. La harpe, la guitare ou encore la voix fonctionne­nt bien aussi.» Elle évoque également l’efficacité d’autres formes d’art, la peinture, la photo ou la danse. Pour Claire Oppert, le lien entre soin et musique est depuis toujours naturel. Longtemps, elle a voulu être médecin, comme son père. Puis elle a hésité avec la musique, dans laquelle elle excellait. Direction le conservato­ire de Moscou.

Des voies de communicat­ion

« Le soin m’a rattrapée quand j’ai rencontré Howard Buten [psychologu­e spécialist­e de l’autisme], avec qui j’ai travaillé durant sept ans. J’en étais déjà convaincue mais je constatais au quotidien que la musique ouvrait des voies de communicat­ion. » Aujourd’hui, Claire Oppert est membre de l’équipe médicale de l’unité de soins palliatifs de l’hôpital Rives de Seine de Puteaux et intervient auprès d’étudiants en médecine.

Elle aime à raconter une histoire qui lui est chère. Celle d’un jeune autiste. Pendant six mois, elle lui a joué des suites de Bach sans réaction de sa part, avant qu’il ne vienne, un jour, se coller à l’instrument pour en sentir les vibrations. « Dans la musique, il n’y a pas de mots et il n’y a pas besoin de circuit intellectu­el. C’est purement instinctif. »

Pendant six mois, elle a joué des suites de Bach à un jeune autiste.

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Son livre, Le Pansement Schubert, relate ses vingt années de pratique.

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