20 Minutes

Grand Dieu

Diego Maradona, champion du monde avec l’Argentine et star planétaire, s’est éteint mercredi, à l’âge de 60 ans.

- Julien Laloye

Ceux qui ont vu le phénomène régner sur l’empire aztèque en 1986 sont formels : tout en haut il y a Maradona, décédé mercredi à l’âge de 60 ans d’un arrêt cardiaque. Et loin derrière, tous les autres. Personne n’a jamais dominé une Coupe du monde comme l’a fait Maradona au Mexique, même si la formule lancée comme une canonnade un peu vaniteuse fait sourire Dominique Le Glou, témoin de la folie autour del Pibe de Oro cet été-là. « Bien sûr, tout le monde n’en avait que pour lui, se souvient celui qui commentait la compétitio­n pour Antenne 2. C’était un jongleur, un artiste, avec un côté people inédit dans le foot, mais le débat sur “le plus grand footballeu­r de tous les temps” ne vaut pas grand-chose. Au Mexique, quand je discutais avec ceux qui avaient couvert les Coupes du monde précédente­s, ils me répondaien­t qu’il n’y avait pas meilleur que Pelé!» Le Brésilien a été champion du monde à trois reprises, et on ne réglera pas la question un jour de deuil, mais le Maradona de 1986, quand même. Passons sur les chiffres (cinq buts et cinq passes décisives), qui ne disent rien de l’ouragan. «Ce mois de juin au Mexique, c’est le seul moment dans sa carrière où il a donné le meilleur de ce qu’il pouvait donner, confirme Alexandre Juillard, auteur de la seule biographie en français sur Maradona. Les gens qui sont proches de lui ont souvent raconté qu’en raison de ses problèmes multiples et de toutes ses addictions, il a très rarement été au maximum de ses possibilit­és dans sa carrière. Au Mexique, il a été au top, parce qu’il avait effectué une préparatio­n de mutant et que les conditions en altitude l’avantageai­ent. Physiqueme­nt, il volait ». La nostalgie de sa disparitio­n invite à l’exagératio­n, mais il faut se rappeler l’Albicelest­e de l’époque. Une équipe en lambeaux et un entraîneur honni par tout un pays, dont le président argentin lui-même a demandé la tête à quelques semaines

«Diego Maradona a emmené cette équipe au pinacle tout seul.» Angel Marcos

de la Coupe du monde. «Il a été champion du monde avec des joueurs moyens autour de lui, c’était une des équipes les plus faibles de l’histoire de la sélection argentine, plaide Angel Marcos, l’ancien entraîneur de Lorient. Et Maradona l’a amenée au pinacle à lui tout seul.» L’immense Valdano et le Nantais Burruchaga, auteur du but vainqueur en finale sur une ouverture en or de «Diego», n’en prendront pas ombrage. Maradona n’aurait pas été la moitié de son mythe, évidemment, sans ce quart de finale contre l’Angleterre. Le souvenir de la guerre des Malouines enflamme encore les esprits, et l’attente est énorme, y compris chez les Mexicains. Faut-il encore raconter la suite, ce but de la main que n’a pas vu l’arbitre tunisien, et puis cette oeuvre d’art absolue, ce slalom éperdu jusqu’à la chambre à coucher de la reine à Buckingham. L’ange et le démon, le plus grand génie du jeu et le petit loubard des bas-fonds de Buenos Aires, deux Maradona qui se défient, et qui brillent sous le ciel de Mexico.

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Diego Maradona à Naples, en 1984.
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