Donald Trump pourrait jouer la carte «pouvoir de grâce»
Des alliés l’encouragent à recourir à ce pouvoir avant la fin de son mandat
C’était il y a dix-huit mois. Avant que le procureur spécial Robert Mueller ne rende son rapport, Donald Trump avait affirmé sur Twitter avoir le « droit absolu » de s’accorder une grâce présidentielle. A un peu plus d’un mois de la fin de son mandat, alors qu’il est visé par plusieurs enquêtes, cette question revient sur le devant de la scène.
Que dit la Constitution sur le pouvoir de grâce ? Aux Etats-Unis, la grâce (« pardon », en anglais) est l’un des pouvoirs présidentiels les plus vastes. Selon l’article 2 de la Constitution américaine, un président « a le pouvoir d’accorder des sursis et des grâces pour crimes contre les États-Unis, sauf dans les cas d’impeachment ». Il n’y a presque aucune limite : la décision d’un président, en général sur recommandation du bureau de l’avocat des grâces, qui dépend du ministère de la Justice, est finale.
Donald Trump peut-il s’autogracier ? La question divise les experts constitutionnels et n’a jamais été tranchée. Aucun président n’a franchi ce Rubicon. Si Donald Trump s’y risquait, des procureurs fédéraux souhaitant l’inculper après le 20 janvier devraient contester la légalité de cette grâce, explique à 20 Minutes Brian Kalt, professeur de droit à la Michigan State University. Selon de nombreux juristes, une « auto grâce » s’apparenterait à un abus de pouvoir. Donald Trump peut-il accorder une grâce à ses proches? Oui. Un président a le droit de gracier un proche. Bill Clinton l’avait fait pour son frère, Roger, condamné pour trafic de drogue. Et une grâce peut être «préemptive», décidée avant une condamnation. Selon le New York Times, Donald Trump aurait évoqué avec ses conseillers la possibilité d’accorder une protection anticipée à son avocat Rudy Giuliani et à trois de ses enfants, Ivanka, Eric et Donald Jr, ainsi qu’à son gendre Jared Kushner.
Une grâce doit-elle couvrir un crime spécifique ? Une grâce ne couvre que des crimes déjà commis, mais l’étendue de la protection fait débat. Richard Nixon avait bénéficié d’un chèque en blanc pour «toute infraction fédérale qu’il a commise ou pu commettre». De la même façon, Donald Trump a accordé, lundi, une grâce quasi absolue à son ancien conseiller Michael Flynn pour «toute infraction» qui dériverait de l’enquête de Robert Mueller. Là encore, on est en terrain presque inconnu.
Une grâce protégerait-elle complètement Donald Trump ? Non, car sa validité serait contestée en justice. Surtout, elle ne s’appliquerait qu’à des crimes fédéraux. Donald Trump pourrait donc toujours être inquiété au civil ou par la justice de l’Etat de New York. Le procureur de Manhattan, Cyrus Vance, enquête sur de possibles faits de fraude fiscale, d’escroquerie à l’assurance et de manipulations comptables. Il s’intéresse aussi au paiement versé à l’actrice porno Stormy Daniels juste avant l’élection de 2016. Une affaire dans laquelle l’avocat de Donald Trump, Michael Cohen, a été condamné.