20 Minutes

Lumière sur les salles obscures

Deux passionnés de cinéma rendent hommage, dans un livre, à l’exploitant qui a en partie façonné le quartier de Montparnas­se

- Romain Lescurieux

Certains ont été démolis, d’autres composent encore le visage du quartier Montparnas­se. Il y a le Mistral (détruit), le Miramar, le Bienvenüe (transformé en théâtre), les Montparnos et le Bretagne. Des cinémas mythiques pour les cinéphiles et les passionnés de Paris. A l’instar d’Axel Huyghe et Arnaud Chapuis, auteurs du livre Rytmann, l’Aventure d’un exploitant de cinémas à Montparnas­se (éd. L’Harmattan), qui sortira en janvier, après une opération de crowdfundi­ng réussie.

«On s’est dit qu’il y avait des cinémas dont on parlait peu, explique Axel Huyghe, également fondateur du site Internet Salles-cinema.com. Notamment un cinéma emblématiq­ue de Paris, qui reste peu connu des Parisiens : le Bretagne, à Montparnas­se. Ce cinéma est la troisième plus grande salle de Paris, et personne ne le sait.»

A travers ce livre de photos d’archives et de textes, les auteurs ont aussi voulu rendre hommage à l’homme derrière ces salles marquées par leurs décors en marbre, leurs lustres dorés, leurs moquettes : Joseph Rytmann.

Russe de confession juive, Joseph Rytmann a 6 ans quand il arrive à Paris. Sa famille fuit les pogroms qui ont alors lieu en Russie. Son père ouvre une épicerie dans la capitale. Quelques années plus tard, en 1933, Joseph veut lui aussi se lancer dans le commerce. Mais pas n’importe lequel. Le commerce de cinéma. « Dès lors, il rachète le théâtre de Montrouge, raconte Axel Huyghe. Petit à petit, il crée des salles à Montparnas­se. Il avait le monopole des grands films dans le quartier. » Mais la Seconde Guerre mondiale éclate et l’antisémiti­sme s’abat sur la France. Exploitant indépendan­t, il est persécuté. Contraint de vendre des cinémas, il part se réfugier à Saumur (Maine-et-Loire). A la fin de la guerre, il revient à Paris et récupère ses cinémas. « Dans les années 1960, tout le monde allait au Bretagne, parce qu’il y avait des films en exclusivit­é, en version originale, s’enthousias­me Axel Huyghe. C’était la belle salle de Montparnas­se. »

Jusqu’en 2009, c’est Benjamine Radwanski, fille de Joseph Rytmann, décédé en 1983, qui possédait ces cinémas. Mais, en janvier 2010, quatre des cinq cinémas sont vendus au groupe Pathé Gaumont. Le Bretagne, lui, reste dans le giron Rytmann. « Actuelleme­nt, la salle est un peu passée de mode, mais elle marque encore, assure Axel Huyghe. Notamment les spectateur­s friands de films d’action, car ce cinéma est devenu la vitrine des blockbuste­rs en VF. » Une salle en danger ? « Il nous est apparu urgent de parler de ce genre de cinéma, poursuit-il. Ce n’est pas un multiplexe, on sait que leur survie est compliquée. »

«Dans les années 1960, tout le monde allait au Bretagne.»

Axel Huyghe, coauteur

 ??  ?? Aujourd’hui, le Bretagne est la dernière salle dans le giron Rytmann.
Aujourd’hui, le Bretagne est la dernière salle dans le giron Rytmann.

Newspapers in French

Newspapers from France