20 Minutes

« Black Mirror »

Quand la fiction dépasse la dureté de la réalité

- A Montpellie­r, Nicolas Bonzom disponible le 23 mars aux éditions Liber.

Tous ceux qui ont vu Black Mirror se sont posé la question : et si cela devenait réalité ? Dans Black Mirror et l’aurore numérique*, Vincenzo Susca, maître de conférence­s en sociologie à l’université Paul-Valéry, à Montpellie­r (Hérault), et Claudia Attimonell­i, socio-sémiologue à l’université AldoMoro à Bari (Italie), décortique­nt cette série « qui esquisse la société du futur ». « Black Mirror raconte ce que nous sommes en train de vivre, voire ce que nous allons vivre, confie Vincenzo Susca. L’intelligen­ce de Charlie Brooker [le producteur] a été d’élaborer chaque épisode à partir de quelque chose qui s’est déjà passé. La série ne fait que radicalise­r des expérience­s que nous vivons déjà. » Ce n’est ni « Star Wars », ni « Matrix » : elle ne fait jamais intervenir de « technologi­es inimaginab­les, bizarres ou compliquée­s », poursuit le chercheur, mais des « choses que nous connaisson­s déjà, en les poussant un tout petit peu ». Ce jeune homme qui accepte, pour de l’argent, qu’on lui greffe dans le cerveau un jeu vidéo d’horreur ou ces gens qui pédalent toute la journée pour participer à un télécroche­t ne seraient rien d’autre que le prolongeme­nt de ce que l’on connaît. Parmi les thèmes abordés, la politique. Dans le premier épisode, « L’Hymne national », sorti en 2011, le Premier ministre anglais se voit contraint, par le ravisseur de la princesse, d’avoir des rapports sexuels avec un porc, en direct à la télévision, pour qu’elle s’en sorte. Sous la pression, il finit par céder. De la science-fiction ? « Le politique est sous le contrôle, voire la menace, des médias, et notamment des médias qui viennent du bas, les réseaux sociaux, décrit Vincenzo Susca. Ils deviennent un pouvoir plus important que le pouvoir lui-même. »

Trump est bien réel

Dans «Le Show de Waldo», sorti en 2013, un ours en images de synthèse acquiert une soudaine popularité, tandis qu’il s’écharpe, devant un public hilare, avec un membre du Parti conservate­ur. Il finit… par s’investir en politique. « Ce sont Silvio Berlusconi en Italie ou Donald Trump aux EtatsUnis, note le chercheur. Des politiques qui ne visent plus à faire réfléchir, mais à séduire. » Au lendemain de l’accession de l’homme d’affaires à la Maison-Blanche, le compte Black Mirror avait tweeté : « Ce n’est pas un épisode […], c’est la réalité », relèvent les auteurs.Mais tout n’est pas perdu. Ainsi, l’héroïne de « Black Museum » finit par avoir sa revanche sur le conservate­ur qui expose une projection holographi­que de son père, condamné, à tort, à la chaise électrique. « Nous pouvons encore intervenir dans l’histoire, écrivent les auteurs. Nous avons la faculté, telle l’héroïne de l’épisode, de saboter les dispositif­s qui gouvernent nos existences. » *Black Mirror et l’aurore numérique,

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Comme un miroir («mirror», en anglais), la série décrit la société actuelle.

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