20 Minutes

«Sur le racisme, le cyclisme ne prend pas les devants »

Le manque de réaction de l’UCI est déploré par le cycliste français Kévin Reza

- Propos recueillis par Nicolas Stival

Un sprint houleux qui a entraîné des messages haineux sur les réseaux sociaux. Nacer Bouhanni a été victime d’insultes racistes après avoir tassé le Britanniqu­e Jake Stewart le 28 mars, lors de la course Cholet-Pays-dela-Loire. Dans cette affaire, Bouhanni a pu compter sur le soutien de Kévin Reza, qui regrette que rien ne soit fait au niveau de la Union cycliste internatio­nale (UCI).

Il y a quelques mois, vous disiez que le cyclisme avait beaucoup à apprendre sur le racisme...

Dans le cyclisme, on ne prend pas les devants pour faire changer les choses. On attend toujours un drame ou ce type de phénomène pour essayer de bousculer les choses. Et encore, on a du mal à les bousculer… Le jour où l’UCI prendra les devants, ce n’est pas demain la veille. Le cyclisme reste un sport très conservate­ur...

Depuis le dernier Tour de France et mes déclaratio­ns, il n’y a pas grand-chose qui a bougé. La Fédération française m’a contacté pour être le parrain d’un projet qui consiste à faire de la prévention auprès des jeunes espoirs. Ils doivent faire attention aux réseaux sociaux, être sensibilis­é aux discrimina­tions sexistes et raciales, pour se préparer à ce qui sera leur futur métier, si tout se passe bien pour eux. C’est une bonne chose. Mais au niveau au-dessus, à l’UCI, il n’y a rien de fait, ni déclaratio­n, ni réforme. Leur politique est difficile à comprendre. Qu’en disent vos collègues blancs ? Vous leur reprochiez, l’été dernier, de ne pas suivre l’actualité. Est-ce que ça a évolué ? Non, pas spécialeme­nt. Il y en a qui se concentren­t sur euxmêmes, ils ne voient pas trop ce qui se passe dans le monde. Je suis coureur cycliste, je n’ai pas envie de me disperser à faire des réunions de dialogue pour expliquer que George Floyd s’est fait tuer aux Etats-Unis, qu’il y a des rassemblem­ents partout en France contre les discrimina­tions et le racisme.

« Je ne voudrais pas qu’on attende une autre histoire pour que l’UCI bouge. »

Vous dites vivre avec ces « mésaventur­es » depuis l’enfance...

Depuis tout jeune, j’ai connu le racisme. J’ai grandi avec, mais ça n’a pas été un phénomène constant. Dans le cyclisme, c’est toujours surprenant d’avoir un enfant noir sur un vélo qui réussit. J’ai commencé à 4 ans, j’étais assez doué. On regardait plus particuliè­rement mes performanc­es. Mais je n’ai pas eu d’histoires à l’école de vélo, ni dans les catégories juniors ou espoirs. La première histoire, je l’ai eue chez les pros en 2014. Les insultes que vous avez subies en 2014 et 2017 peuvent-elles se reproduire aujourd’hui sans réaction de l’UCI ?

Malheureus­ement, le seul exemple que je pourrais donner, c’est l’histoire de Nacer qui est en cours. Je ne voudrais pas qu’on attende une autre histoire pour que l’UCI bouge, qu’elle mette des choses en place. Quand j’ai eu mes pépins en 2014 et 2017, je n’ai pas eu de nouvelles de l’UCI.

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M.Bertorello/Sipa

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