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LE CRÉATEUR.

Le génial créateur aurait eu 100 ans cette année. Au coeur de sa pratique, ses oeuvres de terre et d’émail ont été comme un reflet de sa vie intime, des années 1950 jusqu’à sa mort.

- Par Axelle Corty.

Ettore Sottsass, designer tête de file du mouvement Memphis, a signé de nombreuses oeuvres en céramique, dont la cote ne cesse de monter.

Architecte et fils d’architecte, Ettore Sottsass ( 1917- 2008) se tourne, après la guerre, vers le design et crée son agence à Milan en 1947. Mais tous les domaines de création intéressen­t ce créateur très complet, notamment la céramique. Il livre ses premières pièces en 1955 à New York… elles font un flop commercial absolu. Il s’attache pourtant à la céramique jusqu’à la fin de sa vie. « La

céramique est le fil rouge qui sous-tend toute l’oeuvre de Sottsass », expliquait en 2001 Pierre Staudenmey­er dans une interview à Libération. Dans sa galerie, la mythique Neotu, ce dernier présentait alors une trentaine de pièces rares, datées des années 1950 à la fin des années 1960.

UNE OEUVRE INCOMPRISE PUIS ADULÉE

C’est justement cette période héroïque des quinze premières années de céramique qu’explore l’exposition organisée par l’architecte Charles Zana au Negozio Olivetti de la place Saint-Marc, à Venise. Il y présente une soixantain­e de pièces qui proviennen­t de trois collection­s privées, dont la sienne. Ces oeuvres, incomprise­s et très mal vendues en leur temps, sont aujourd’hui les plus recherchée­s par les collection­neurs. Elles se répartisse­nt en onze séries disparates aux noms évocateurs. Il y a les Lava de 1957, terres noires et poreuses comme la lave soulignées de glaçures colorées dont une pièce peut maintenant se négocier jusqu’à 80 000 euros. Les Ceramiche a fischietto, monochrome­s soulignés d’or, sont, elles, moulées pour évoquer l’esthétique industriel­le. En forme de sifflet, elles annoncent déjà l’esthétique de Memphis, mouvement design rebelle fondé par Sottsass en 1980. « Ettore Sottsass est un architecte. Il ne touche pas la terre lui-même et confie la fabricatio­n à Bitossi ou Ceramica Toscana.

Mais il contrôle absolument le processus de fabricatio­n. Il se montre très

exigeant sur la qualité artisanale des oeuvres », rappelle Charles Zana. Ettore Sottsass pose pourtant parfois son pinceau sur les oeuvres, comme dans les séries Ceramiche delle Tenebre de 1963 et Shiva de 1964. Elles sont comme un exorcisme. Lors d’un voyage en Inde en 1961, il contracte une infection rénale grave. Il frôle la mort et part se faire soigner à Palo Alto en Californie. C’est là qu’il imagine les premières. Sur des formes tubulaires, il peint des sphères orange, qui symbolisen­t l’angoisse, ou blanches, comme un oeil qui le fixe. Rétabli, il orne les assiettes Shiva ( le dieu créateur indien) de motifs qui évoquent des alignement­s de planètes et le cosmos.

COMME UNE QUÊTE SPIRITUELL­E

Ettore Sottsass est un homme en quête, et ses céramiques sont le support de ses interrogat­ions. Il y projette sa double culture italienne et autrichien­ne, mêlant au matériau fétiche des Étrusques les raffinemen­ts ornementau­x modernes de la Sécession viennoise, grillages blancs sur noir et touches de métaux brillants. Surtout, on peut y lire sa recherche obsessionn­elle sur le rôle spirituel de l’architecte. Avec les séries Menhir, Ziggurat, Stupas, Hydrants & Gas Pumps de 1967, l’architecte retranscri­t en totems pop les formes des cannettes de soda, des boîtes de médicament­s, de cachets, de pompes à essence et autres tasses. « Transforme­r le banal en atemporel, c’est l’obsession d’Ettore Sottsass. Il se nourrit de tout ce qu’il voit autour de lui pour en faire une retranscri­ption simple mais mystique. C’est un grand artiste du xxe siècle et la prochaine star du marché du design », estime le galeriste François Laffanour. Ce paladin du design des années 1950 est lui-même en pleine préparatio­n d’une grande rétrospect­ive. À voir : Ettore Sottsass, la céramique, 1955-1970, du 11 mai au 20 août, au Negozio Olivetti, Piazza San Marco, 101, Venise. negoziooli­vetti.it Ettore Sottsass, du 14 septembre 2017 au 25 février 2018, à la Triennale di Milano, Viale Alemagna, 6, Milan. triennale.org Ettore Sottsass: The Glass, du 10 avril au 30 juillet, au Stanze del Vetro, île de San Giorgio Maggiore, 1, Venise. lestanzede­lvetro.org

 ??  ?? 1 2 1. CÉRAMIQUE Tenebre (FF. 452), ø 19 � h 50 cm, pièce unique, 1963 (Friedman Benda).
1 2 1. CÉRAMIQUE Tenebre (FF. 452), ø 19 � h 50 cm, pièce unique, 1963 (Friedman Benda).
 ??  ?? 3 2. BOÎTE Lava Box (FF. 127), ø 22 � h 15 cm, pièce unique, 1957 (Friedman Benda).
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3 2. BOÎTE Lava Box (FF. 127), ø 22 � h 15 cm, pièce unique, 1957 (Friedman Benda). et son
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Contracept­ive Pills] en céramique émaillée et socle en bois, L 50,2 � l 50,2 � h 162,6 cm, pièce unique, 1966 (Friedman Benda). 4. ASSIETTE Tondi (FF. 224), ø 31 cm, pièce unique, 1959...
3. ETTORE SOTTSASS Large Aphrodisia­c Vase [for Conserving Contracept­ive Pills] en céramique émaillée et socle en bois, L 50,2 � l 50,2 � h 162,6 cm, pièce unique, 1966 (Friedman Benda). 4. ASSIETTE Tondi (FF. 224), ø 31 cm, pièce unique, 1959...
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a Shiva (FF. 608), ø 34 cm, pièce unique, 1964. (Friedman Benda). 2. COUPE Diane en porcelaine et or 24 carats, ø 30 � h 31 cm, 1994. 3. VASE en céramique émaillée polychrome, Edition Il Sestante, circa 1958 (Artcurial). 4. VASE...
� . ASSIETTE Offerta a Shiva (FF. 608), ø 34 cm, pièce unique, 1964. (Friedman Benda). 2. COUPE Diane en porcelaine et or 24 carats, ø 30 � h 31 cm, 1994. 3. VASE en céramique émaillée polychrome, Edition Il Sestante, circa 1958 (Artcurial). 4. VASE...
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