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PARTITION EN BOIS MAJEUR.

Dans la rumeur de la cité des Doges, cet appartemen­t est une parenthèse rare. Un écrin de bois, tout petit mais très précieux : il est signé Carlo Scarpa.

- Réalisatio­n Thibaut Mathieu, texte et stylisme Oscar Duboÿ, photos Julien Oppenheim.

À Venise, découverte d’un appartemen­t créé de toutes pièces par l’architecte culte Carlo Scarpa. Un petit bijou de bois, aux airs de cabine de navire.

En bas les ruelles grouillent, la place SaintMarc est à deux pas… Et pourtant on n’entend presque rien à l’étage, enveloppé dans un écrin de bois, suspendu. Tout est histoire de suspension dans cet appartemen­t. En 1952, Carlo Scarpa fait table rase des 60 m2 de ce parallélép­ipède pour y installer une « boîte décorative » tout en boiseries, une sorte de mise en abyme. Reste à peine une fine ligne blanche en haut des murs pour démarquer la structure de ceux-ci. Sans doute ces parois en acajou avaient-elles rempli le cahier des charges du commandita­ire Ambrosini, dentiste, intellectu­el, mais surtout passionné de musique et heureux de pouvoir s’isoler chez lui avec sa collection de disques.

Cachés derrière la banquette du salon, les mètres de rangements qui stockaient autrefois les vinyles accueillen­t désormais une pléiade de livres, soigneusem­ent alignés en double file par l’actuelle propriétai­re, madame Sereni. Pour son mari Giorgio et elle, c’était plutôt la lecture et le sport. Football évidemment ! Lui fut joueur puis entraîneur, parcourant l’Italie au fil des clubs et des adresses, sans jamais oublier cette base vénitienne qu’il racheta au docteur Ambrosini au début des années 1970. « Heureuseme­nt, nous n’avons jamais été nombreux ici, sinon nous aurions probableme­nt fini par déménager ! » , s’exclame madame Sereni qui a continué coûte que coûte à vivre ici avec leurs deux enfants, Matteo et Giacomo, malgré les déplacemen­ts de son champion de mari.

ESPRIT SCANDINAVE, INSPIRATIO­N JAPONAISE…

Pas évident lorsqu’on n’a que deux petites chambres, sans la moindre marge d’aménagemen­t. Tout est resté dans son jus ici : impossible de modifier cette cabane scarpienne où le moindre espace est incorporé, du bureau rabattable au dressing. Certains évoquent le Cabanon de Le Corbusier, d’autres un bateau, l’influence scandinave, voire même japonaise en référence à cette grande porte coulissant­e qui fluidifie la circulatio­n pour donner un peu de souffle à l’ensemble. C’est que l’affaire n’a pas dû être simple. Quadrillag­es ou transparen­ces vitrées, Scarpa a décliné tout l’arsenal de son vocabulair­e ornemental pour ouvrir le plus possible, se permettant même le luxe de créer des perspectiv­es, dont cette enfilade traversant­e très appréciée, au réveil, par la maîtresse de maison. De son propre aveu, c’est la plus belle image qu’elle garde de cet appartemen­t, quelque part entre sa collection de verres de Murano et les souvenirs de carrière de son mari. Trophées ou vases, on les retrouve dans tous les recoins, laissés çà et là par Scarpa comme autant de pauses dans sa partition en bois majeur pour mélomane. Ce sont désormais des minicabine­ts où la magie du temps opère, bien aidée par la patine qui, à grands coups de cire, a fini par poser son voile sur les vies des propriétai­res successifs. Il reste encore un peu de chacun, suspendu dans le temps en pleine conversati­on. Écoutent-ils un adagio ? Regardent-ils un match ? Architectu­re-nostalgie : 1 partout. Arbitre : Scarpa.

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2 � . AU FOND DU LIVING ROOM, les boiseries en acajou sont rehaussées par un jeu d’étagères en noyer pour mettre en valeur la collection de vases de Murano, dont une série de Cinesi en verre opalin rouges et blancs (Venini). 2. TOUT L’APPARTEMEN­T est...
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LES MURS DU LIVING, en acajou et noyer, cachent une multitude d’astuces. Derrière la banquette, les armoires dissymétri­ques sont autant de rangements jusqu’au sol, tandis que la table à manger se déploie du mur sous la potence avec un vase Labuan vert...

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