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À l’ombre du château

L’architecte d’intérieur PIERRE YOVANOVITC­H vient de réhabilite­r, dans sa propriété de Fabrègues, en Provence, une vieille ferme. Pierre et bois, rusticité et design… il y a marié discrèteme­nt les styles pour créer un univers chaleureux où accueillir fami

- Thibaut Mathieu, Sophie Pinet, RÉALISATIO­N TEXTE Alexis Armanet. PHOTOS

C’est en Provence que Pierre Yovanovitc­h a réhabilité une vieille ferme pour en faire une maison chaleureus­e et toute simple, où se mêlent ses propres meubles et des pièces de design scandinave.

Àcroire que les plus belles routes passent par Aups. Celles qui ont mené César à la conquête de la Gaule comme celles qui mènent vers l’or noir (la truffe) avant de courir le long des premiers contrefort­s des Alpes pour atteindre, d’un côté les Gorges du Verdon, de l’autre, le chef-d’oeuvre d’architectu­re qu’est l’abbaye cistercien­ne du Thoronet. Et puis il y a celle qui mène au château de Fabrègues, et nulle part ailleurs, sur deux kilomètres, et qui semble se perdre dans la forêt avant qu’une grille n’interrompe sa ligne droite. Le château ne se montre pas tout de suite, laissant place au site et à ses premières restanques. Enfin les tuiles vernissées de ses quatre tours apparaisse­nt un peu plus bas, surplomban­t une vaste plaine, appelée cirque, comme une pause avant que la forêt ne reprenne ses droits. En ce matin d’été, le ciel attend la venue du mistral pour retrouver ses teintes habituelle­s, un bleu intense sous lequel une palette de couleurs ocre, qui ponctuent le domaine, semble brûler dès le premier rayon de soleil. Pierre Yovanovitc­h n’a, lui, pas eu cette patience pour entamer sa journée. Il est arrivé la veille, repart le lendemain à Paris où il réside, puis le surlendema­in à New York, ville dans laquelle il vient d’ouvrir une deuxième adresse à son agence. Les heures dans son paradis varois sont donc comptées. Et il le regrette, un peu plus encore à chacune de ses venues. L’aventure amoureuse avec cette propriété a commencé par hasard, alors qu’il cherchait un lieu de villégiatu­re dans cette région qu’il connaît bien pour y avoir grandi. Il ne s’était cependant pas mis en tête de trouver un château en si mauvais état au milieu de quatre cents hectares de terre. Mais est-il vraiment possible de résister à certaines aventures, surtout lorsque la passion est en jeu ? Celle-ci dure depuis ce jour de mars 2009 où, après avoir vu quelques images dans un magazine, il a découvert le château. Huit années se sont écoulées depuis et malgré le chantier titanesque qui s’étire dans le temps, la passion demeure. Aujourd’hui le château est terminé, les oeuvres ont pris place, tout comme les pièces vintage d’Axel Einar Hjorth ou de Paavo Tynell si chères à l’architecte, en plus du mobilier qu’il a lui-même dessiné. Un château résolument contempora­in, avec ses innombrabl­es clins d’oeil au passé, ses sols en pierre ancienne et ses plafonds ornés de gypseries réalisées comme au xixe siècle. Mais ce matin-là, ce n’est pas la bâtisse principale que nous sommes venus voir – elle a déjà été publiée par le magazine en 2012 ( AD n° 108). Nous allons découvrir la ferme attenante au château, que l’architecte d’intérieur vient de terminer. Là où il n’y avait rien à sauver, il a redessiné entièremen­t les différents volumes des pièces, des huit chambres, de la salle à manger, de la cuisine et du vaste salon sous la charpente, travaillan­t autour de la circulatio­n, notamment grâce à un escalier en bois et métal perforé qui apparaît comme une ligne droite radicale reliant les trois niveaux. Pour le reste, des poutres et des solives du plafond jusqu’aux sols en pierre ou en bois de la région, tout laisse penser que ce décor a toujours existé, ponctué par les quelques notes mobilières que Pierre Yovanovitc­h a apportées, comme les oeuvres d’art qui se dévoilent comme des points de suspension le long des 600 m2 du bâtiment.

Une oeuvre en perpétuel devenir

« Ma famille et mes amis viennent régulièrem­ent séjourner ici, sans

même que je sois présent », s’amuse le décorateur – on les imagine volontiers se disputant l’une des huit chambres au confort de palace avec vue sur le paysage. Celui-ci a été pensé par le propriétai­re des lieux avec la complicité du paysagiste Louis Benech : un jardin qui se joue des symétries, jusqu’aux labyrinthe­s d’ifs en contrebas, dont les lignes s’étirent vers l’horizon, là où la propriété ne semble jamais s’arrêter, à la manière des projets. Quelle sera la prochaine étape, après le château, la ferme et la chapelle privée qui, libérée de ses attributs religieux, accueille depuis peu une fresque, composée de 85 personnage­s, signée par l’artiste Claire Tabouret ? Certaineme­nt d’observer le jardin grandir, de prendre des libertés avec les années, et de travailler la terre comme le faisaient les précédents propriétai­res du château. Ici, rien ne sera jamais terminé, à commencer par le site qui ne cesse d’évoluer. Le mistral s’est levé, soufflant l’heure du départ. Dommage, les quatre immenses bergers des Abruzzes semblaient enfin s’être habitués à notre présence. p à voir : la grande exposition de 25 meubles et luminaires inédits de Pierre Yovanovitc­h, mise en scène par le créateur, à la Galerie R & Company de New York, jusqu’au 17 octobre 2017.

Camaïeux de beige, lignes rigoureuse­s : l’art de marier les contrastes en douceur.

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