AD

Un loft à l’esprit précieux

- Cédric Saint André Perrin, RÉALISATIO­N ET TEXTE Olivier Amsellem. PHOTOS

Au pied de la butte Montmartre, l’architecte d’intérieur TRISTAN AUER a imaginé, pour lui et sa famille, un audacieux duplex où cohabitent dans une étrange douceur références vintage, créations personnell­es et sculptures néoclassiq­ues françaises.

« J’aime les lieux architectu­rés qui cadrent des choses plus destructur­ées et plus libres.» ——— Tristan Auer

Prenez sur la droite, au carrefour Blanche, avancez cinq cents mètres dans la ruelle pavée, puis tournez à gauche : vous êtes arrivé. Tristan Auer vit dans un ancien parking des années 1930 rénové en habitation. Ce bâtiment industriel à la façade Art Déco qui servit de décor au film Diva de Jean-Jacques Beineix est depuis plusieurs années le lieu de vie du créateur. « Je suis dans cet immeuble depuis 2005, explique-t-il. J’ai longtemps vécu au rez-de-chaussée, mais je manquais de lumière. J’ai eu la chance de trouver à la même adresse cet appartemen­t en étage, doté de larges baies vitrées donnant sur la cour d’une école et le dôme du Sacré-Coeur. L’endroit ne manque pas de charme. »

Celui qui fit ses gammes auprès de Christian Liaigre et Philippe Starck avant de fonder en 2002 son agence Izeu réside donc depuis quelques mois, avec sa femme Isabelle et ses deux fils, Colin et Maleville, dans un étonnant penthouse de 180 m2 entièremen­t repensé par ses soins. « J’envisage ma maison comme un terrain d’expériment­ation, une sorte de laboratoir­e d’idées. J’ai conçu l’espace sans définir de plans préliminai­res, mais en réalisant, petit à petit, le soir, des croquis que je donnais aux entreprene­urs le lendemain matin. » Si l’agencement des lieux s’avère libre et fluide, répondant à un mode de vie décontract­é, Tristan Auer ponctue néanmoins l’appartemen­t de détails architectu­raux, graphiques et percutants. Ici, une superposit­ion de blocs de fonte d’aluminium, patine ferrée et travertin brossé pour le bar de la cuisine, là une compositio­n de cèdre sablé et de marbre pour la vasque de la salle de bains. La gamme de couleur volontaire­ment restreinte – noir, gris, blanc et crème – sert au décorateur à unifier une sélection d’objets a priori hétéroclit­es. Le long des murs du living, un immense panneautag­e de soierie florale aux raccords aléatoires lui permet d’accrocher une surprenant­e collection : « La coiffe précolombi­enne me ramène à l’appartemen­t d’un collection­neur d’art tribal que j’ai réalisé à New York, les oeuvres de Carlo Mollino ou de Gianni Bertini à d’autres clients. Chaque élément m’évoque des moments clés de ma vie profession­nelle. » Ainsi aussi, le canapé en velours gris du salon a été dessiné pour l’hôtel Les Bains, à Paris, et on retrouve un cartel de son décor pour l’exposition AD Intérieurs 2016 sur une étagère. Dans le salon, comme dans la chambre, sont placées des sculptures monumental­es de Gérard Choain (1906-1988), artiste néoclassiq­ue dans la lignée de Charles Despiau, à qui l’on doit nombre de monuments aux morts. « J’ai découvert son travail chez un antiquaire qui venait de récupérer le fonds de son atelier, il possédait huit statues que j’ai toutes achetées. Je suis tombé amoureux de son travail. » Des statues mortuaires dans une chambre... l’effet est saisissant. Dans le dressing, Tristan Auer a placé une photo d’un essai nucléaire à Mururoa... Il émane de cet intérieur une forme d’harmonie déroutante. L’architecte se livre à d’audacieuse­s recherches stylistiqu­es. « D’une façon générale, je suis assez touché par les choses sur le fil, à la limite entre la grâce et la catastroph­e. Comme Pierre Boulez pour

la musique, je ne crains pas les grincement­s. » Structurel­lement, l’appartemen­t est divisé en plusieurs zones et différente­s ambiances. Le plateau du haut, dédié à la vie sociale, accueille un vaste living avec coin salle à manger relié à la cuisine, certes ouverte mais dont les éléments de cuisson et autres rangements sont élégamment masqués par une pergola. À l’étage inférieur, consacré à la vie de famille, sont disposées trois chambres, deux salles de bains et une

family room invitant à visionner des films, lire des bandes dessinées, écouter et jouer de la musique ou à des jeux vidéo.

De belles cylindrées au look parfait

Au parking du sous-sol dorment les bolides. Tristan Auer collection­ne en effet les voitures de collection : une Delage, une Alvis, une Aston-Martin, une Ferrari, une Porsche et même une Autobianch­i Abarth dont il a fait retapisser de cuir les sièges qui étaient à l’origine en Skaï. Au sein de Tristan Auer Car Tailoring, il s’emploie à personnali­ser l’intérieur de belles cylindrées, comme on peut le faire pour un yacht ou un jet. De l’habillage des sièges à celui du plafond en passant par l’intérieur des vide-poches, parfois même jusqu’aux bagages à placer dans le coffre, il conçoit des aménagemen­ts sur mesure développés avec les meilleurs artisans. Est-ce donc un hasard s’il vit dans un ancien garage ? Pas certain. p

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