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La découverte

Non loin de Zurich, en Suisse, l’artiste Bruno Weber s’est inventé une maison sortie de son imaginaire débordant. Bienvenue chez lui, dans une folie bâtie de toutes pièces, au coeur d’un parc peuplé de monstres.

- Sophie Pinet TEXTE Beatrice Vergani PHOTOS & Giulio Oriani/Vega MG

En Suisse, l’artiste Bruno Weber a créé de toutes pièces un château fantastiqu­e, une création folle et échevelée.

Il y a des voyages sans retour, des épopées fantastiqu­es que l’on rêve et qui vous hantent jusqu’à ce que vous les inscriviez dans la réalité, qu’importe si c’est au péril d’une vie raisonnabl­e, ou au risque de sombrer dans la folie. C’est ainsi qu’après une chute sur une pierre alors qu’il distribuai­t le courrier, le facteur Joseph Ferdinand Cheval décida à partir de 1879 de rassembler dans son jardin de la Drome toutes celles qu’il croiserait désormais sur son chemin, afin de bâtir son Palais idéal. Et c’est ainsi que Bruno Weber prit le large aux portes de Zurich, pour donner forme, à l’ombre du monde moderne et de ses aléas, à son allégorie d’une vie meilleure.

Une citadelle contre la réalité

L’aventure démarra en 1962 ; l’homme, qui ne s’était pas particuliè­rement illustré jusque-là, se mit à s’intéresser à l’architectu­re et à son possible dialogue avec la nature, l’envisagean­t comme un ultime rempart pour lutter contre l’industrial­isation qui venait peu à peu abîmer son paysage, celui de la vallée de la Limmat. Cette discipline lui fit abandonner la peinture qu’il avait sagement étudiée jusqu’ici, lui qui s’était un temps considéré comme l’héritier de Cézanne, pour donner forme à un monde

nouveau ; ou plutôt à sa propre vision d’un monde idéal, parsemé de fantaisies. Il raconta plus tard que c’est à l’âge le plus tendre, entre les murs de la maison de famille baroque, qu’il avait commencé à fantasmer son univers. Mais c’est à 30 ans, à partir de 1965, qu’il lui donne enfin forme, l’ancrant dans le réel en montant seul les premiers murs en béton de son atelier puis de son lieu de vie, avant de poursuivre vers le parc boisé, le jalonnant de sculptures comme une multitude d’hallucinat­ions devenues, depuis, une succession d’attraction­s qui attirent aujourd’hui de nombreux touristes.

Des licornes et des monstres

Dans cette aventure hors norme, Bruno Weber va peu à peu s’entourer d’artisans, puis de sa femme et de ses enfants, grâce auxquels il va donner forme à la moindre de ses idées, de la tour lanterne au mobilier, des piliers sculptés en façade aux placards, des cheminées aux ponts enjambant les étangs. Licornes, serpents, monstres et déesses vont prendre vie sous sa direction, en béton, parfois mêlé à de l’acier ou de la pierre, habillé de plâtre ou de mosaïques, repoussant sans cesse le registre formel au service de ce conte empreint de légendes populaires et nourri par son imaginaire sans limites. Gargouille­s gothiques, références à l’art brut, figures de la mythologie, style Tiki (style « polynésien » qui fit fureur dans les années 1950 aux Étants-Unis), éléments naïfs, clins d’oeil à l’Art nouveau… la partition de Weber va repousser les limites du bon goût, au point que les autorités locales tenteront d’intervenir pour arrêter le projet. Mais comme le Palais du Facteur cheval, qu’un rapport du ministère de la Culture avait qualifié à l’époque

« d’ensemble hideux », le parc de Bruno Weber va traverser les foudres pour devenir une curiosité en forme de conte fantastiqu­e, revendiqué­e par l’office du tourisme local. Quant à son auteur, malgré cette oeuvre riche de notes dissonante­s, il demeure une énigme. Sa biographie officielle est en effet réduite à ces mots : « Bruno Weber, artiste, sculpteur, charpentie­r, maçon, peintre, mosaïste, plasticien, architecte et inventeur. » Il était un peu de tout cela à la fois. À sa mort en 2011, le Telegraph l’envisageai­t, plus sobrement, comme un héritier de Gaudi sous acide. p

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PLUS DÉLIRANT QU’UN CHÂTEAU DE BAVIÈRE, le manoir est hérissé de masques, monstres, lances et autres sculptures extravagan­tes qui en font une apparition acérée, théâtrale et hors du temps.
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1. AVEC SES DEUX GARDIENS mi-hommes mi-bêtes, surchargée de symboles et de figures allégoriqu­es, cette porte étroite pourrait être celle de l’Enfer. 2. UN PORTIQUE, entre Chine hollywoodi­enne et décor de train fantôme. 1

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