Jeux de matières
La décoratrice Anne- Sophie Pailleret aime les effets précieux et délicats, les éclats dorés, les bronzes patinés, la douceur moirée et scintillante… La preuve avec cet appartement, conçu tel un écrin calme et raffiné.
La décoratrice Anne-Sophie Pailleret aime les matières et leurs eets. Or, bronze, patines et brillance se retrouvent dans cet appartement de Saint-Germain-des-Prés.
Toute menue, elle ouvre la porte de cet appartement à Saint-Germain-des-Prés qu’elle vient de terminer. Anne-Sophie Pailleret, pantalon noir et talons hauts, est une architecte d’intérieur vraiment parisienne et tout en discrétion : elle oeuvre dans les quartiers chics, du vie au xvie, là où se trouve la clientèle qui chuchote son adresse. Il faut dire que, dans une vie antérieure, elle avait un job dans l’industrie du luxe. Elle l’a lâché pour l’École Boulle, section architecture. Depuis, elle entretient une connivence certaine avec les artisans et une passion pour les meubles et les objets d’hier. Elle fait ses premières armes chez l’architecte d’intérieur Jean-Louis Deniot, où elle fait ses gammes côté matières. Tous les vendredis, autre exercice, elle file aux puces dénicher des trésors, toutes époques confondues. Maintenant, elle travaille seule. Son nombre de chantiers par an se compte sur les doigts d’une main. Et elle y tient. Ce sont les échanges, dit-elle, qui sont primordiaux, comme ceux qu’elle a eus avec la propriétaire du lieu tout au long de l’avant-projet. « Cette femme est une artiste, délicate, créative, raffinée, au parler doux. » Un appartement-écrin est l’idée qui vite s’impose.
L’or, le cuivre, le bronze… et la lumière
Ce calme et cette douceur se sont traduits par des matières fragiles et précieuses. Par la couleur grise, celle des toits que l’on voit des fenêtres. La couleur grise dont Michel Pastoureau dit que « non seulement c’est pour l’historien et pour l’anthropologue une couleur à part entière, mais c’est probablement aussi, pour les peintres et pour les photographes, la couleur la plus riche, celle qui autorise les jeux de lumière et de camaïeu les plus subtils, celle qui fait “parler” avec le plus de précision et de volupté toutes les autres couleurs ». Et dans ces pièces, toutes orientées plein sud le long d’un balcon filant, Anne-Sophie Pailleret a tout de suite eu envie de jouer avec les reflets de la lumière. Comme pour appuyer son propos, elle a posé çà et là l’or, le cuivre, le laiton. Une armoire, dans l’entrée, façonnée avec de la feuille d’or par une artiste, une lampe, une console en bronze, une baignoire en cuivre, des placards de cuisine aux reflets d’airain, des tissus au fil métallique… Et surtout, en guise
de ponctuation, ces belles sculptures en bronze, passion de la maîtresse des lieux, présentes dans toutes les pièces. Ce matériau, favori des Grecs et par la suite des Étrusques et des Romains, avant son moment de gloire à la Renaissance en Italie, déroule ici le fil d’une histoire contemporaine. Pourtant ses reflets subtils ne sont pas éloignés de ceux des bronzes patinés naturellement, comme cela se faisait au cours de l’Antiquité : on enterrait la sculpture dans le sol pendant un temps assez long. La réaction du métal avec les éléments chimiques du terrain produisait des patines marbrées et riches. Un séjour prolongé dans l’eau de mer ou la fosse à purin donnait aussi de beaux résultats !
Entre artisanat d’art et théâtralité
Jouer sur les effets mats et brillants donc. Jouer aussi sur les tracés : la moire de la seconde partie du couloir – coupé en deux ambiances pour en atténuer la longueur
Effets métallisés et poudrés, marbre, plâtre et bois fossilisé composent une partition propice à la délicatesse.