En touches délicates
C’est sur les toits de la cité des Doges que le jeune architecte Fabrizio Casiraghi a signé ce pied-à-terre raffiné. Il y marie, avec un grain de fantaisie, les évocations exotiques et une certaine mémoire italienne, élégante et classique.
Le jeune architecte Fabrizio Casiraghi signe, dans la cité des Doges, un pied-à-terre raffiné et discrètement fantaisiste.
TEXTE Oscar Duboÿ PHOTOS Romain Laprade
Il n’y a pas que des palais à Venise. Derrière le Grand Canal, les petits immeubles populaires s’encastrent en un dédale de ruelles où seuls les locaux se retrouvent. Ce qui n’a pas empêché un Parisien d’y dénicher la perle rare, perchée là-haut dans le ciel avec altana, terrasse, à la clé. Et puis la vue sur le jardin de Ca’ Rezzonico, le va-et-vient des bateaux le long du canal… Il y a même un Maure porte-lampe qui se cache dans l’appartement, comme un clin d’oeil, mais le cliché vénitien s’arrête là : pour son premier projet en solo, l’architecte milanais Fabrizio Casiraghi ne voulait pas se laisser inhiber par le contexte, mais plutôt faire parler sa curiosité qui lui permet d’oser des mélanges variés et subtils.
Un esprit chineur, entre Afrique et Scandinavie
Ce sont surtout les couleurs du terrazzo d’origine qui ont dicté le colorama du mobilier. Tantôt vert, tantôt noir, tantôt blanc selon la pièce, ou encore ce jaune dans la chambre qui a inspiré le rose poudré des murs, association fétiche du décorateur. Ne restait plus qu’à installer dans cet écrin la collection accumulée par le propriétaire, aussi fan des seventies que de chinoiseries, tel ce paravent xviiie siècle qu’il aura fallu entièrement démonter de son châssis pour qu’il puisse passer la porte – ah, les joies des emménagements à Venise !
« Le pouf léopard, c’est également lui, précise malicieusement Fabrizio Casiraghi.
Vous imaginez un jeune architecte, farci de leçons corbuséennes rigoristes, mettre de l’animalier ? Hé, ça marche très bien finalement. La diversité des clients nous pousse à choisir chaque fois des éléments que nous n’aurions pas imaginés. »
Il l’admet aisément, ce projet aura aussi été son laboratoire, l’occasion d’expérimenter, d’affiner son style, même s’il refuse l’obsession de la signature à tout prix :
« Je ne cherche pas à être reconnu comme l’architecte de ceci ou de cela… Ou, à la rigueur, peut-être celui du voyage, sans le réduire au simple exotisme oriental car l’exploration peut m’emmener aussi bien en Afrique qu’en Scandinavie. » Ou encore le pousser à chiner à Gênes, à Milan ou en Suisse, au hasard des trouvailles et des fantaisies, sans une fatidique liste de meubles préétablie. Pas de place pour ces tracas ici, pas plus que pour une chambre d’enfant d’ailleurs. C’est une garçonnière pour s’isoler. Ça tombe bien, nous sommes sur une île.