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Entre ciel et roche

- Aude de La Conté TEXTE Simon Watson PHOTOS

L’architecte d’intérieur Roberto Baciocchi s’est choisi une très ancienne bâtisse, dans un village de Toscane, pour maison-atelier. Ici, la pierre est reine.

Quand l’architecte Roberto Baciocchi, que l’on connaît pour son travail avec Prada, nous invite à découvrir sa maison-atelier perchée sur une falaise, petite merveille minérale où il teste ses idées, on accourt…

La petite route serpente dans la plaine au pied d’Arezzo et débouche dans un village ou plutôt un hameau, la Torre de Giovi. Roberto Baciocchi nous emmène dans son repaire campagnard, son atelier ou laboratoir­e, lieu d’expériment­ation et de réception où il accueille clients et journalist­es. C’est une fois passée la porte et longeant le mur de pierres brutes, sur un balcon étroit, que l’on prend la mesure du lieu : une tour médiévale, vestige d’une forteresse construite, nous raconte-t-il, par les Lombards, donnant pile sur l’Arno, plusieurs dizaines de mètres au-dessous, alors simple rivière bouillonna­nte. Un choc : le lieu est hypnotique, à pic sur son rocher, avec ces pierres primitives et le bruit de l’eau. On comprend pourquoi Dante y écrivit l’un des chants de la Divine Comédie. Quand Roberto Baciocchi a appris que le tout menaçait ruine, il a décidé de sauver les lieux. La localité s’est chargée du rocher, lui de la tour, mais sans rien toucher des murs historique­s : priorité était de préserver les traces du temps et de l’histoire. Comme dans tous ses projets, il a eu soin d’être en harmonie avec l’esprit de la bâtisse. Les murs ont été laissés bruts et rugueux ; pour les portes et les fenêtres, il a choisi de grandes dalles de verre dont les huisseries ont été forgées par un de ces artisans italiens avec lesquels il aime travailler. Les lavabos étroits en résine, les portes du dressing en fin plaquage de marbre jaune de Sienne, le revêtement d’écorce de pin qui tapisse entièremen­t l’escalier en colimaçon de la tour ont, eux aussi, été patiemment réalisés par ses artisans. →

Ici, la pierre donne le ton dans un camaïeu doux que complètent, plus sombres, le bois d’origine et le cuir.

Si la structure même de la maison possède cette personnali­té, celle-ci est accentuée par la précision technique et la qualité de la réalisatio­n. Le jeu des matières est impression­nant. Résine, verre, marbre jaune de Sienne… mais également labradorit­e dans le sauna et acier brossé pour les murs de la cuisine, velours pour la table, fourrure, cuir… L’architecte a voulu maintenir la personnali­té du lieu tout en créant une dynamique visuelle forte. En contrepoin­t, le mobilier joue son va-tout dans un ping-pong où les courbes seventies et la sensualité des textures se confronten­t aux murailles du Moyen Âge. Tel un jeu de chaises musicales, les meubles n’arrêtent pas de bouger, disparaîtr­e, apparaître…

« Un laboratoir­e d’idées » , a dit l’architetto.

Dans la pièce du bas, immuable, la cheminée gigantesqu­e attend sa flambée avec les pique-feu alignés sur un linteau et, sur le côté, son système de tournebroc­he à contrepoid­s – car notre homme est un fin cuisinier et aimefaire rôtir ses viandes ici. Pour l’heure, il nous concocte un apéritif et a décidé de nous emmener dans une trattoria sise à quelques kilomètres de là. « Aucun décor mais des saveurs », précise-t-il. Ce géant du goût, qui a le sens des couleurs, de la lumière et des formes, a également l’appétit de la vie.

Marbre jaune et métal, pierre brute, verre et velours… Roberto Baciocchi travaille la matière en majesté.

 ??  ?? DANS LA TOUR, un petit salon où trône un canapé en modules encastrabl­es, dessiné par Superstudi­o en 1968. Devant, la table Stadio, de Vico Magistrett­i pour Artemide (1969). À droite, un minibar avec réfrigérat­eur, datant des années 1960.
DANS LA TOUR, un petit salon où trône un canapé en modules encastrabl­es, dessiné par Superstudi­o en 1968. Devant, la table Stadio, de Vico Magistrett­i pour Artemide (1969). À droite, un minibar avec réfrigérat­eur, datant des années 1960.
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 ??  ?? ROBERTO BACIOCCHI dans l’escalier tapissé d’écorces de pin posées une à une par son équipe d’artisans.
LA MAISON, ci- contre, dans le hameau de Giovi, dressé sur son piton, vu depuis l’autre côté du fleuve Arno qui serpente à ses pieds.
ROBERTO BACIOCCHI dans l’escalier tapissé d’écorces de pin posées une à une par son équipe d’artisans. LA MAISON, ci- contre, dans le hameau de Giovi, dressé sur son piton, vu depuis l’autre côté du fleuve Arno qui serpente à ses pieds.
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