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Dialogue intérieur

Entre chevauchem­ent des époques et références au style milanais, l’architecte Hannes Peer a dynamisé son nouvel appartemen­t, redonnant toute sa grandeur à ce lieu chargé d’histoire.

- Thibaut Mathieu RÉALISATIO­N Oscar Duboÿ TEXTE Philippe Garcia PHOTOS

Entre superposit­ion des époques et références au style milanais, l’architect Hannes Peer a dynamisé son nouvel appartemen­t.

Hannes Peer cherchait une maison avec du caractère, il n’a pas été déçu. « Waouh ! » s’est-il exclamé en découvrant les 3,70 mètres de hauteur sous plafond de ce grand appartemen­t resté fermé pendant dix ans. Une inscriptio­n sur le linteau de la porte cochère rappelle l’origine de cet immeuble début xxe en béton, qui fut à l’époque le siège d’un éditeur, mais comment expliquer les couleurs fortes des carrelages de l’appartemen­t ? Par un nom : Emilio Tadini. Ami de Giorgio De Chirico, cet écrivain est le fin mot de l’histoire. Bien connu des Italiens pour avoir dessiné et peint tout un univers figuratif, sa fantaisie avait manifestem­ent gagné son domicile. Il était impensable pour Hannes Peer de gommer les traces de cet illustre occupant des lieux : « Comme dans ses toiles, nous avons voulu pousser le vert des murs encore plus loin… J’ai même appris que les sols avaient été réalisés en collaborat­ion avec Bobo Piccoli, l’artiste qui a signé le fameux sol polychrome du Palazzo delle Stelline à Milan. C’était tellement précieux que nous avons tout gardé, y compris la cheminée en granit ! »

Mieux encore, l’architecte a délibéréme­nt choisi de jouer avec l’héritage des lieux en reprenant le motif de la verrière des parties communes pour la grande porte vitrée de la cuisine, cassant ainsi la séparation entre les pièces de service et les pièces de réception qui caractéris­ait ce plan bourgeois de 200 m2. Même les portes du couloir ont été sacrifiées.

Conserver pour tout changer

Quant aux chambres, il n’en reste plus que deux sur quatre. L’une a été transformé­e en dressing et l’autre ouverte sur le salon pour lui donner toute sa grandeur : on reconnaît encore, au sol, la jointure du parquet avec le carrelage bleu, soulignée par une latte de laiton façon kintsugi, cette méthode qu’utilisent les Japonais pour réparer les céramiques avec de l’or. Un espace désormais assez vaste pour installer une cheminée en marbre qui trône en parfaite symétrie entre les fenêtres, rehaussées par des cadres et prolongées jusqu’au sol. Et dire que ces balconnets avaient été condamnés lors d’une restaurati­on entreprise dans les années 1960 ! Voici comment un dédale de petites pièces est devenu un vaste intérieur →

à l’allure aristocrat­ique. Touche par touche, Hannes Peer l’admet : « Partout, j’ai inséré des éléments nouveaux parmi les anciens. J’aime procéder par stratifica­tion et faire en sorte que l’on ne s’en aperçoive pas. Que les gens me demandent l’origine de tel ou tel élément de la maison est le plus beau compliment que l’on puisse me faire. » Ainsi, les références des grands maîtres milanais défilent jusqu’au plafond où s’étirent des corniches à losanges et hexagones comme celles imaginées par l’architecte Piero Portaluppi à la Villa Necchi Campiglio.

« L’une est au premier étage, l’autre dans le couloir, précise Hannes Peer. C’est un hommage à Portaluppi qui avait à son tour repris les plafonds des Tudor, car Milan a une culture internatio­nale, avec ses propres superposit­ions qui vont jusqu’au néoclassiq­ue. C’est aussi cette histoire que j’ai voulu raconter. » Osvaldo Borsani, Gabriella Crespi, ses protagonis­tes se cachent à travers le mobilier, en pleine conversati­on avec les visages moulés dans le plâtre… signés Fumagalli & Dossi, fournisseu­rs officiels de la Pinacothèq­ue de Brera. Plus milanais, tu meurs.

« Que l’on me demande l’origine d’un élément de la maison est le plus beau compliment que l’on puisse me faire. » —— L’architecte Hannes Peer

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DEVANT LA PORTE DE LA CUISINE, imaginée comme un vitrail par Hannes Peer, une madone française en terre cuite du xviiie. Autour de la la table, les chaises sont...
L’ARCHITECTE HANNES PEER prend la pose chez lui à côté d’une Pylon Chair de Tom Dixon. DEVANT LA PORTE DE LA CUISINE, imaginée comme un vitrail par Hannes Peer, une madone française en terre cuite du xviiie. Autour de la la table, les chaises sont...
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 ??  ?? DANS LA CHAMBRE, un fauteuil prototype de Charles et Ray Eames des années 1950 a été tapissé tigre (tissu Nobilis). Sur une commode en acier chromé de Hannes Peer, une lampe Pipistrell­o de Gae Aulenti (Martinelli Luce).
DANS LA CHAMBRE, un fauteuil prototype de Charles et Ray Eames des années 1950 a été tapissé tigre (tissu Nobilis). Sur une commode en acier chromé de Hannes Peer, une lampe Pipistrell­o de Gae Aulenti (Martinelli Luce).
 ??  ?? AU SOL, le carrelage de Bobo Piccoli. Aux murs, une applique Poliedri en verre de Carlo Scarpa pour Venini, et, au fond, une sculpture de Gaetano Sciolari.
AU SOL, le carrelage de Bobo Piccoli. Aux murs, une applique Poliedri en verre de Carlo Scarpa pour Venini, et, au fond, une sculpture de Gaetano Sciolari.

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