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Une vie de céramique

Les oeuvres d’Andrée et Michel Hirlet ont traversé ces soixante dernières années hors du viseur des grandes galeries. On découvre aujourd’hui leur beauté sincère.

- Laurence Mouillefar­ine Marion Berrin PAR PHOTOS

On découvre la beauté brute et sincère des créations d’Andrée et Michel Hirlet, artistes qui cultivent aussi la discrétion.

Un îlot de paix à Paris, deux maisonnett­es du début du xixe siècle coincées entre des immeubles récents. Dans l’allée pavée qui les sépare, un arbre à coings fait le délice des oiseaux. C’est là que vivent et travaillen­t Andrée et Michel Hirlet, un couple de céramistes, 82 ans chacun. Ils se sont rencontrés en 1958, à l’École des Métiers d’art installée, alors, dans les murs du futur musée Picasso. Depuis, ils oeuvrent à quatre mains, loin des projecteur­s, absorbés par leurs expériment­ations et les défis techniques qu’ils aiment à s’imposer. Les Hirlet fabriquent leur propre matériau, du grès chamotté, concoctent eux-mêmes leurs émaux, mélangeant les pigments en quête du coloris qu’ils ont en tête et, bien sûr, cuisent leurs pièces. En dépit de son allure frêle et de son adorable chignon gris, Andrée continue de soulever d’énormes blocs de terre. Sa potion magique ? La fièvre créatrice !

Volumes combinatoi­res

D’une contrainte technique est né leur style singulier. « Alors que nous façonnions des formes monumental­es, explique le duo à l’unisson, nous étions obligés de les découper pour les introduire dans le four. Pas question de les trancher bêtement comme un rosbif, nous les avons fragmentée­s de manière à créer des volumes combinatoi­res. » Figures géométriqu­es qui s’imbriquent, s’enchevêtre­nt, →

s’emboîtent, le joint devenant graphique. Au fil des années, leurs production­s se sont accumulées dans la maison et l’atelier. Andrée ne tient pas à les vendre, chaque négociatio­n se révèle un déchiremen­t. Aussi en ont-ils conservé la majorité. Les réalisatio­ns anciennes s’entassent sur des étagères, elles sont cachées derrière un rideau « pour ne pas être trop présentes » mais sont là, rassurante­s : sculptures abstraites nourries de leur admiration pour l’art précolombi­en ou la Grèce antique, bornes lunaires, fontaines d’appartemen­t, piles de briques, tablesvase­s… Un demi-siècle de travail gardé au secret.

Totem et mains géantes

Andrée et Michel Hirlet, heureuseme­nt, ont bénéficié de commandes publiques et sont intervenus dans l’espace urbain. Pour la ville de Saintes, ils ont conçu un labyrinthe d’eau de treize mètres de long. À Villepreux, ils ont édifié deux bancs en forme de mains géantes. Dans la cour d’une école à Mulhouse, ils ont élevé un totem. « Le cadre était si laid, se souvient Andrée, que Michel a planté des arbres autour, à ses frais… » En 2017, enfin !, le musée national de la Céramique de Sèvres leur offre une exposition. Un bonheur n’arrivant jamais seul, Mélissa Paul, une jeune galeriste, croise par hasard une pièce des Hirlet dans une modeste boutique près du Père-Lachaise. Coup de foudre. Elle cherche à connaître les auteurs. Séduite par l’oeuvre, touchée par l’hospitalit­é du couple, elle se démène pour le faire sortir de l’ombre. Elle le présente au galeriste Yves Gastou dont on sait l’enthousias­me lorsqu’il fait une découverte. Ainsi, à la dernière Biennale des Antiquaire­s, le marchand dévoilait tables et sculptures de nos artistes octogénair­es. Heureuse de leur succès, mais triste de se séparer de leurs créations, voilà Andrée prise entre deux feux.

Pour trouver des oeuvres des Hirlet

Galerie Yves Gastou, 12, rue Bonaparte, 75006 Paris. galerieyve­sgastou.com

Melissa Paul, 5, rue Martin-Seytour, 06300 Nice. galerie-melissa-paul.com

 ??  ?? 3. DES TRAVAUX en cours dont une maquette de claustra. Au premier plan, une étude de couleur pour une oeuvre monumental­e. 2
3. DES TRAVAUX en cours dont une maquette de claustra. Au premier plan, une étude de couleur pour une oeuvre monumental­e. 2
 ??  ?? 2. SUR LES ÉTAGÈRES de l’atelier, des réalisatio­ns anciennes, comme « des recherches qu’il faut encore interroger ». 3
2. SUR LES ÉTAGÈRES de l’atelier, des réalisatio­ns anciennes, comme « des recherches qu’il faut encore interroger ». 3
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1. PHOTOGRAPH­IÉS dans la courette qui borde leur atelier, Michel et Andrée Hirlet. 1
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 ??  ?? 1. DANS L’ATELIER, les Hirlet travaillen­t un grès chamotté à la texture légèrement rugueuse qu’ils ont7 eux-même fabriqué. 2. ANIMATION DE SURFACES, TEXTURES... La subtilité de ces émaux est le fruit de patientes expériment­ations. 3. LA SCULPTURE TOTEM Grande Daphné, en douze éléments, a été modelée en 1997. Elle mesure 220 cm de hauteur. 2
1. DANS L’ATELIER, les Hirlet travaillen­t un grès chamotté à la texture légèrement rugueuse qu’ils ont7 eux-même fabriqué. 2. ANIMATION DE SURFACES, TEXTURES... La subtilité de ces émaux est le fruit de patientes expériment­ations. 3. LA SCULPTURE TOTEM Grande Daphné, en douze éléments, a été modelée en 1997. Elle mesure 220 cm de hauteur. 2
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