Paris pour toujours
Juste derrière le parc Monceau, à Paris, le collectionneur Emmanuel de Bayser s’est livré à une réinterprétation élégante et intemporelle du style haussmannien.
Le collectionneur Emmanuel de Bayser se livre à une réinterprétation raffinée du chic haussmannien.
Il occupait un appartement rue Murillo, mais s’y sentait un peu à l’étroit. « C’était une ancienne suite d’hôtel, pas très pratique pour cuisiner ou recevoir. » Fondateur du concept store berlinois The Corner, Emmanuel de Bayser, « toujours entre Paris et Berlin, trois jours ici, quatre jours là », souhaitait une surface plus grande à Paris. Ayant toujours apprécié le quartier du parc Monceau qui représente ce qu’il aime le plus dans la capitale – du musée Nissim-deCamondo, à deux pas, aux commerces de la rue de Lévis, à peine plus loin –, une seule visite a suffi, le coup de coeur fut immédiat : « J’ai adoré. Souvent dans les appartements haussmanniens il y a des couloirs et trop de chambres, ici tout est agencé autour de l’entrée. J’ai tout de suite imaginé ce que je pouvais en faire. »
Un duo de blanc et de crème
Justement, s’il est souvent d’usage de tout casser afin de revoir les volumes, ici les structures ont été conservées. « L’architecture n’est pas exactement mon domaine d’activité, mais j’adore ça, et j’avoue qu’après plusieurs appartements puis mes boutiques à Berlin, j’ai beaucoup appris des différents corps de métiers. » C’est donc l’oeil sûr et aguerri que le nouveau propriétaire des lieux a pris le parti d’accentuer ce qui fait le sel de cet appartement : sa clarté, due à la belle hauteur sous plafond et à la lumière traversante dont les reflets évoluent au cours de la journée. D’où le choix d’un duo de blanc, pour les plafonds et les boiseries, et de crème pour la tenture murale, prévue uniquement dans la chambre au début du projet, puis déclinée dans toutes les pièces afin d’insuffler calme et sérénité. Seules répondent à cette tonalité neutre les touches de couleur des fauteuils de Morgan Lassen et de Jean Royère dans le grand salon et des chaises et de la table de Jean Prouvé dans la salle à manger. Des sculptures en métal doré de Lucio Fontana, posées sur la cheminée en marbre de la chambre, dialoguent avec ce camaïeu
« J’ai tenu à conserver l’esprit parisien des lieux, en y ajoutant des touches contemporaines. » —— Emmanuel de Bayser
volontairement sage. Dans l’entrée, une structure avec moulures et miroirs a été ajoutée sur la porte afin d’augmenter l’impression d’espace. Le parquet en chevrons a été poncé, dévoilant ses tons chauds et clairs sur lesquels des tapis jouent le contraste de leurs matières naturelles. Détail qui a son importance, toutes les ferronneries ont été déposées et de nouvelles réalisées dans le respect du style d’origine.
Des oeuvres d’art contemporain
Fin connaisseur de la mode – c’est son métier –, grand amateur d’art – c’est sa passion –, Emmanuel de Bayser a fonctionné pour l’ameublement et la décoration de sa nouvelle adresse parisienne comme pour ses boutiques berlinoises et ses appartements précédents : au feeling, à l’instinct. « Pendant un an j’ai choisi, déplacé, ajouté… pris le temps d’essayer. » À l’origine orienté sur les designers américains, son goût s’est, au fil des années et des projets, porté sur les créateurs scandinaves, français, italiens… Désormais, il privilégie les objets et, ayant constitué une vaste collection de mobilier, s’est concentré sur les oeuvres d’art.
De l’art contemporain, avec plusieurs Allemands, même s’il y a aussi des Français – Daniel Buren par exemple – dans une sélection où dominent les monochromes. « Je connais bien la mode, ses “must have” et ses collections : au bout de trois mois, on n’en peut plus, surtout les créations trop flash. » Emmanuel de Bayser a donc recherché des oeuvres qui durent, au contraire d’installation folles. Des oeuvres d’une modernité plus intemporelle, complétées par des pièces figuratives, bustes, visages, corps en mouvement, qui ponctuent l’espace et l’animent. L’appartement semble donc avoir achevé sa transformation, mais comme nous glisse son propriétaire : « Ça ne doit jamais être fini un appartement, sinon… »