Conversation entre époques
Pour apprivoiser les beaux volumes de cet ancien espace industriel de Brooklyn et les rendre compatibles avec sa vie de famille, l’architecte Giancarlo Valle a expérimenté de nouvelles formes de design, tout en encourageant le dialogue avec des classiques
À Brooklyn, l’architecte Giancarlo Valle a signé un espace dans un esprit urbain contemporain compatible avec sa vie de famille.
ÀBrooklyn, le Clocktower Building est un point de repère, avec son campanile orné d’une énorme horloge abritant le penthouse le plus cher du voisinage, et l’un des immeubles les plus marquant de cette rive de l’East River qui fait face à Manhattan, sur laquelle il offre des points de vue uniques. C’est dans cet ancien bâtiment industriel, construit en 1914 et transformé en immeuble résidentiel en 1998, que l’architecte Giancarlo Valle, sa femme Jane Keltner de Valle (responsable du style pour l’édition nordaméricaine d’AD) et leurs enfants Roman et Paloma sont venus s’installer il y a un an environ. Les deux-cents et quelques mètres carrés de leur appartement ont ceci de particulier que, contrairement à beaucoup de lofts new-yorkais, ils ne sont ni sombres ni bas de plafond, au contraire. L’espace est baigné de lumière et, quand →
« Pour rendre accueillantes les grandes pièces de ce loft, il fallait créer de l’intimité, de la poésie avec les meubles, les textures et la couleur. » —— L’architecte Giancarlo Valle
le couple le découvre, son aspect vide et énorme lui fait réaliser qu’il va falloir prendre les choses à contrepied et créer « de l’intimité et de la poésie » en expérimentant avec les styles, en jouant avec le mobilier, les textures et les couleurs.
Giancarlo Valle, après son diplôme d’architecture de l’université de Princeton, a collaboré avec différents cabinets d’architectes, puis a créé en 2016 sa propre agence, et c’est le projet de son appartement qui le fait passer franchement à l’architecture d’intérieur. Là, il décide de conserver les espaces tels quels, avec son grand salon pièce à vivre et bureau, sa cuisine ouverte, son petit salon intime sans lumière directe et ses chambres aux dimensions généreuses.
Un rythme léger
Dans l’immense salon, plutôt que de prendre ses distances avec la baie vitrée qui court tout le long de la pièce, Giancarlo Valle choisit de s’y appuyer avec une longue banquette en pin, peinte en rouge, dont le dossier dessine une élégante vague, et qu’il habille de coussins dans un tissu Le Manach. On retrouve cette originalité de la découpe, d’inspiration mi-ethnique, mi-Art déco, dans les meubles qu’il a dessinés : un paravent dans le salon, les tabourets hauts qui viennent dérider l’îlot de marbre un peu sévère de la cuisine, les fantaisistes étagères et placards de la chambre de son fils… Un jeu avec les textiles et les motifs aussi, que l’on retrouve sur le fauteuil Smile et son piètement rayé comme sur la chauffeuse Tapestry, qui semble un écho à cette tapisserie d’Aubusson ancienne décorant un mur. Sur les coussins des canapés aussi, créant un rythme léger, un peu flâneur, à la façon d’un fil rouge dans cet appartement coloré.
Si Jane Keltner de Valle a beaucoup travaillé avec lui sur cet aménagement, elle a aussi introduit un tiers dans l’aventure : un maître de feng shui chinois, rencontré par l’entremise de la créatrice Tory Burch qui fait appel à ses conseils lors de l’aménagement de ses boutiques. L’architecte l’avoue en souriant, on doit à ce protagoniste un peu inattendu des dais au-dessus des lits afin qu’ils ne soient pas directement sous les poutres, de même que les notes de rouge dans la salle de bains. Mais les vrais maîtres, ici, ce sont Giò Ponti, Le Corbusier, Tomaso Buzzi, Robert Mallet-Stevens… Les architectes qu’admire Giancarlo Valle ont ceci en commun qu’ils ont créé des univers complets, de l’architecture au design, jusqu’aux objets et aux motifs décoratifs. C’est ainsi que notre architecte conçoit dorénavant son métier, afin de poursuivre toujours plus loin la conversation entamée entre style et contexte. SCULPTURALE