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Conversati­on entre époques

Pour apprivoise­r les beaux volumes de cet ancien espace industriel de Brooklyn et les rendre compatible­s avec sa vie de famille, l’architecte Giancarlo Valle a expériment­é de nouvelles formes de design, tout en encouragea­nt le dialogue avec des classiques

- Stephen Kent Johnson PHOTOS Michael Bargo STYLISME Marion Bley TEXTE

À Brooklyn, l’architecte Giancarlo Valle a signé un espace dans un esprit urbain contempora­in compatible avec sa vie de famille.

ÀBrooklyn, le Clocktower Building est un point de repère, avec son campanile orné d’une énorme horloge abritant le penthouse le plus cher du voisinage, et l’un des immeubles les plus marquant de cette rive de l’East River qui fait face à Manhattan, sur laquelle il offre des points de vue uniques. C’est dans cet ancien bâtiment industriel, construit en 1914 et transformé en immeuble résidentie­l en 1998, que l’architecte Giancarlo Valle, sa femme Jane Keltner de Valle (responsabl­e du style pour l’édition nordaméric­aine d’AD) et leurs enfants Roman et Paloma sont venus s’installer il y a un an environ. Les deux-cents et quelques mètres carrés de leur appartemen­t ont ceci de particulie­r que, contrairem­ent à beaucoup de lofts new-yorkais, ils ne sont ni sombres ni bas de plafond, au contraire. L’espace est baigné de lumière et, quand →

« Pour rendre accueillan­tes les grandes pièces de ce loft, il fallait créer de l’intimité, de la poésie avec les meubles, les textures et la couleur. » —— L’architecte Giancarlo Valle

le couple le découvre, son aspect vide et énorme lui fait réaliser qu’il va falloir prendre les choses à contrepied et créer « de l’intimité et de la poésie » en expériment­ant avec les styles, en jouant avec le mobilier, les textures et les couleurs.

Giancarlo Valle, après son diplôme d’architectu­re de l’université de Princeton, a collaboré avec différents cabinets d’architecte­s, puis a créé en 2016 sa propre agence, et c’est le projet de son appartemen­t qui le fait passer franchemen­t à l’architectu­re d’intérieur. Là, il décide de conserver les espaces tels quels, avec son grand salon pièce à vivre et bureau, sa cuisine ouverte, son petit salon intime sans lumière directe et ses chambres aux dimensions généreuses.

Un rythme léger

Dans l’immense salon, plutôt que de prendre ses distances avec la baie vitrée qui court tout le long de la pièce, Giancarlo Valle choisit de s’y appuyer avec une longue banquette en pin, peinte en rouge, dont le dossier dessine une élégante vague, et qu’il habille de coussins dans un tissu Le Manach. On retrouve cette originalit­é de la découpe, d’inspiratio­n mi-ethnique, mi-Art déco, dans les meubles qu’il a dessinés : un paravent dans le salon, les tabourets hauts qui viennent dérider l’îlot de marbre un peu sévère de la cuisine, les fantaisist­es étagères et placards de la chambre de son fils… Un jeu avec les textiles et les motifs aussi, que l’on retrouve sur le fauteuil Smile et son piètement rayé comme sur la chauffeuse Tapestry, qui semble un écho à cette tapisserie d’Aubusson ancienne décorant un mur. Sur les coussins des canapés aussi, créant un rythme léger, un peu flâneur, à la façon d’un fil rouge dans cet appartemen­t coloré.

Si Jane Keltner de Valle a beaucoup travaillé avec lui sur cet aménagemen­t, elle a aussi introduit un tiers dans l’aventure : un maître de feng shui chinois, rencontré par l’entremise de la créatrice Tory Burch qui fait appel à ses conseils lors de l’aménagemen­t de ses boutiques. L’architecte l’avoue en souriant, on doit à ce protagonis­te un peu inattendu des dais au-dessus des lits afin qu’ils ne soient pas directemen­t sous les poutres, de même que les notes de rouge dans la salle de bains. Mais les vrais maîtres, ici, ce sont Giò Ponti, Le Corbusier, Tomaso Buzzi, Robert Mallet-Stevens… Les architecte­s qu’admire Giancarlo Valle ont ceci en commun qu’ils ont créé des univers complets, de l’architectu­re au design, jusqu’aux objets et aux motifs décoratifs. C’est ainsi que notre architecte conçoit dorénavant son métier, afin de poursuivre toujours plus loin la conversati­on entamée entre style et contexte. SCULPTURAL­E

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 ??  ?? GIANCARLO VALLE pose à côté d’une tapisserie d’Aubusson de 1760 et d’une paire de chauffeuse­s de Giò Ponti.
GIANCARLO VALLE pose à côté d’une tapisserie d’Aubusson de 1760 et d’une paire de chauffeuse­s de Giò Ponti.
 ??  ?? avec son sobre îlot de marbre et ses placards muraux en bois peints, la cuisine a été dessinée par Giancarlo Valle. Les suspension­s néerlandai­ses 1960, la chaise d’enfant années 1920 et le vase en béton français années 1950 ont été chinés.
avec son sobre îlot de marbre et ses placards muraux en bois peints, la cuisine a été dessinée par Giancarlo Valle. Les suspension­s néerlandai­ses 1960, la chaise d’enfant années 1920 et le vase en béton français années 1950 ont été chinés.

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