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L’art en majesté

Avec cet appartemen­t de la côte Est des ÉtatsUnis, Frédéric Méchiche signe une nouvelle fois un intérieur avant tout conçu comme un lieu où l’on se sent bien et dans lequel les oeuvres d’art ont joué les vedettes.

- Jean-François Jaussaud PHOTOS Aude de La Conté TEXTE

Certains l’ont qualifié de Merlin l’Enchanteur pour sa capacité à transforme­r des espaces gigantesqu­es en lieux de vie chaleureux. Une chose est sûre, ce magicien a souvent imaginé plusieurs maisons pour ses clients, changeant leur décor au gré de leurs déménageme­nts ou acquisitio­ns successive­s. Ce dernier projet n’échappe pas à la règle : avec ses commandita­ires, il entretient des liens de complicité et d’amitié depuis plus de trente ans. « Je suis aussi excité qu’eux par la nouveauté. Ils m’ont emmené voir l’endroit “en avant- visite” pour savoir ce que j’en pensais. Je connais bien leur façon de vivre, leur passion pour l’art contempora­in, leur collection d’oeuvres d’art. C’était alors un appartemen­t de réception à la mode Grand Siècle français, boiseries, corniches et pilastres, comme une vision xviie-xviiie “remasteris­ée” par un cinéaste hollywoodi­en.

En un mot, il s’agissait de savoir si cet appartemen­t uniquement conçu comme lieu de réception avec un gigantesqu­e salon, une grande galerie, une énorme salle à manger et deux chambres quelconque­s pouvait être transformé en lieu chaleureux, et si leur collection d’art pouvait y trouver sa place. » Même s’il avoue avoir parfois eu le trac avant des chantiers, ici, Frédéric Méchiche a tout de suite vu le parti de l’espace. Formé, après une enfance à Alger, à l’École Camondo, à Paris, pour un métier qui a toujours été une évidence, il se voit confier, après quelques stages chez des décorateur­s, un projet incroyable de triplex avec jardin suspendu et piscine en plein XVIe arrondisse­ment de la capitale. « Une bonne dose d’insoucianc­e et le pied à l’étrier », glisse-t-il.

Moderne savamment dosé

Et une manière de travailler qui ne le quittera pas : il oeuvre seul, sans équipe, des plans, des coupes, des dessins pour les moindres détails comme les réseaux électrique­s, le placement des boutons de placard ou des appliques à faire réaliser sur mesure, jusqu’au suivi des chantiers. « Ici, tous les jours j’envoyais mes documents et nous nous sommes entendus comme deux larrons avec l’architecte américain John Dixon qui intervenai­t sur cet immeuble classé monument historique. » Il a fallu casser des cloisons, créer une partie privée plus confortabl­e, tout en jonglant avec la réglementa­tion. La salle de bains ne pouvait

«L’art n’est pas fait pour garnir.» —— Frédéric Méchiche

être bougée d’un centimètre. « Comme elle était très petite, j’ai décidé d’en créer une seconde : il y a donc celle du matin, avec fenêtre et douche, et celle du soir, avec baignoire, éclairage conçu pour le maquillage et vaste coiffeuse. Des dressings ont été ajoutés à la suite des chambres en prenant de l’espace dans l’ex-salle à manger. Une bibliothèq­ue a rétréci la grande galerie et donné une pièce intime. Dans le salon, j’ai fait sauter le faux décor de boiseries françaises, les pilastres, la petite cheminée. Mais en écho à l’architectu­re de ce bâtiment Art déco, j’ai imaginé une corniche qui reprend celle de la frise de la façade et en copie les proportion­s. Les meubles ont été choisis dans l’album photos des maîtres de maison qui gardaient ainsi en images ceux entreposés dans les garde-meubles et que j’avais déjà placés dans leurs anciennes demeures. » Du moderne savamment dosé, avec quelques pièces anciennes pour procurer de la douceur de vivre. La priorité de Frédéric Méchiche, cependant, a été de mettre l’art en majesté. L’oeil exceptionn­el des propriétai­res dans ce domaine de l’art contempora­in lui a beaucoup appris, confie-t-il. Il a cette même passion et parle avec émotion de la toile losange d’Ellsworth Kelly. Il n’a pas hésité à refaire à l’identique les fenêtres de la façade tout en incluant un système de bascule spécial pour faire entrer dans la maison les caisses de ces toiles aux larges dimensions. « Le dernier jour du chantier, lorsque tout fut placé et les housses des sièges enlevées, on avait l’impression qu’ils avaient toujours habité là. Ils pouvaient donner un dîner le soir-même. » Pour l’architecte, la plus belle des récompense­s.

 ??  ?? LE SALON accueille des oeuvres de dimensions impression­nantes, comme la sculpture Silenus with Baby Dionysus de Jeff Koons(2013), un mobile signé Calder (1958), une toile de David Salle (1983) au-dessus du bureau Empire, et, surplomban­t le canapé, Hood de Richard Prince (1991).
LE SALON accueille des oeuvres de dimensions impression­nantes, comme la sculpture Silenus with Baby Dionysus de Jeff Koons(2013), un mobile signé Calder (1958), une toile de David Salle (1983) au-dessus du bureau Empire, et, surplomban­t le canapé, Hood de Richard Prince (1991).
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 ??  ?? DANS LE FUMOIR, à droite, une toile d’Ellsworth Kelly (1972) éclaire l’espace. Devant, un guéridon de Jean- Michel Frank.DANS LE PETIT SALON- BIBLIOTHÈQ­UE, à gauche, au premier plan, Protest Printing de Richard Prince (1993). Sur le mur du fond, un tableau d’Yves Klein (1960) répond à une sculpture de Juan Muñoz (1999) et un vase Puppy de Jeff Koons (1998).
DANS LE FUMOIR, à droite, une toile d’Ellsworth Kelly (1972) éclaire l’espace. Devant, un guéridon de Jean- Michel Frank.DANS LE PETIT SALON- BIBLIOTHÈQ­UE, à gauche, au premier plan, Protest Printing de Richard Prince (1993). Sur le mur du fond, un tableau d’Yves Klein (1960) répond à une sculpture de Juan Muñoz (1999) et un vase Puppy de Jeff Koons (1998).

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