Une folie Renaissance
Au xvie siècle, un esthète se fit bâtir près de Milan un jardin rythmé de grottes comme les aimait l’époque. Bienvenue dans le nymphée de la villa Borromeo Visconti, dont la beauté des décors ne cesse, depuis, d’envoûter ses visiteurs.
Près de Milan, le nymphée de la villa Borromeo Visconti est d’une extraordinaire beauté.
Le jardin des merveilles. » On l’appelle ainsi depuis toujours, ou presque, tant le jardin de la villa Borromeo Visconti, apparu à la fin du xvie siècle, sonne comme une partition qui enchante quiconque l’a visité une fois dans sa vie. Un morceau de paradis rythmé par des orangeraies, une exèdre (salle de conversation), un jardin Renaissance et surtout un nymphée, soit une série de grottes artificielles qui constituent le point d’orgue de cet ensemble à la beauté insolente, qui permet de goûter un instant à la folie artistique animée par l’époque, de savourer ses coups d’éclats, et de percevoir jusqu’où l’imaginaire peut guider certains hommes. Le comte Pirro I Borromeo Visconti était un notable milanais, mais pas que. Éternel voyageur au point d’avoir été anobli jeune homme par la cour d’Espagne, il s’est laissé porter toute sa vie à travers son pays, au gré des trésors que la Renaissance lui aura donné à contempler. Il fut ainsi l’un des premiers à se laisser hanter par les jeux d’eau de la villa d’Este, à Tivoli, au point de les désirer, et de convoquer à son retour les meilleurs artistes et artisans du pays pour transformer les terres agricoles qui entouraient son lieu de villégiature familial. C’est ainsi, ou presque,
que démarra l’histoire de ce trésor du nord de l’Italie, sur lequel la région, devenue son propriétaire, veille désormais attentivement.
Concrétions de coquillages
Bien que le calendrier annonce le printemps, les Alpes semblent retenir les dernières teintes sourdes de l’hiver dans cette banlieue industrielle du nord de la capitale lombarde. Non, la commune de Lainate, située en bordure d’autoroute, ne fait pas rêver. Loin de là. C’est pourtant elle qui abrite le fameux trésor, qui se dévoile à mesure que les dernières gelées disparaissent. Il est temps que les statues se déshabillent et que le système puisant dans la nappe phréatique pour animer les 53 jeux d’eaux – cascades, fontaines et jets d’eau – redémarre pour donner à l’ensemble, le printemps et l’été durant, toute sa superbe. C’est ainsi depuis 1587, date à laquelle l’architecte Martino Bassi boucle les travaux, lui qui oeuvra un temps sur le chantier du Dôme de Milan, accompagné par les artistes Camillo Procaccini et Pier Francesco Mazzucchelli. Eux achèveront deux années plus tard les décors composés de fresques peintes ou formées de concrétions de coquillages et de mosaïques, et de vastes motifs ornementaux, réalisés à partir de cailloux noirs en calcaire, et de cailloux blancs en quartz. C’est entre les lignes de ce vaste
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En contraste avec le classicisme formel des salles, les grottes artificielles et leurs motifs réalisés en calcaire et quartz.
plan rectangulaire symétriques de 800 mètres carrés et derrière la façade habillée de statues en stuc que se succèdent les salles qui accueillirent durant longtemps les collections d’art de la famille, peintures, reliques sacrées et pièces archéologiques. Nombreux ont été les visiteurs comme nous attirés par cette curiosité à travers les ans. Stendhal écrira d’ailleurs à propos de sa visite : « Il faut bien se garder de se promener seul à Lainate ; ce jardin est plein de jets d’eau destinés à mouiller les spectateurs. En posant le pied sur la première marche d’un escalier, six jets d’eau me sont partis entre les jambes. » Un théâtre d’insouciance, où le bruit de l’eau en cascade ajoute un effet de sublimation du bien-être et transporte vers un autre monde, à la manière d’un jardin des délices qui se garderait cependant de représenter l’enfer. Seul le paradis a sa place dans cette ode à l’érotisme, qui se jouera certainement à jamais des curieux tout en continuant de révéler aux autres, à travers sa pénombre, toute la virtuosité d’une époque.
On peut visiter la Villa Borromeo Visconti à partir du 1er mai jusqu’à l’automne, elle est fermée durant l’hiver. Villa Borromeo Visconti, Largo Vittorio Veneto, 12, 20020 Lainate MI, Italie. villalittalainate.it