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Une folie Renaissanc­e

Au xvie siècle, un esthète se fit bâtir près de Milan un jardin rythmé de grottes comme les aimait l’époque. Bienvenue dans le nymphée de la villa Borromeo Visconti, dont la beauté des décors ne cesse, depuis, d’envoûter ses visiteurs.

- Sophie Pinet Simon Upton PAR PHOTO

Près de Milan, le nymphée de la villa Borromeo Visconti est d’une extraordin­aire beauté.

Le jardin des merveilles. » On l’appelle ainsi depuis toujours, ou presque, tant le jardin de la villa Borromeo Visconti, apparu à la fin du xvie siècle, sonne comme une partition qui enchante quiconque l’a visité une fois dans sa vie. Un morceau de paradis rythmé par des orangeraie­s, une exèdre (salle de conversati­on), un jardin Renaissanc­e et surtout un nymphée, soit une série de grottes artificiel­les qui constituen­t le point d’orgue de cet ensemble à la beauté insolente, qui permet de goûter un instant à la folie artistique animée par l’époque, de savourer ses coups d’éclats, et de percevoir jusqu’où l’imaginaire peut guider certains hommes. Le comte Pirro I Borromeo Visconti était un notable milanais, mais pas que. Éternel voyageur au point d’avoir été anobli jeune homme par la cour d’Espagne, il s’est laissé porter toute sa vie à travers son pays, au gré des trésors que la Renaissanc­e lui aura donné à contempler. Il fut ainsi l’un des premiers à se laisser hanter par les jeux d’eau de la villa d’Este, à Tivoli, au point de les désirer, et de convoquer à son retour les meilleurs artistes et artisans du pays pour transforme­r les terres agricoles qui entouraien­t son lieu de villégiatu­re familial. C’est ainsi, ou presque,

que démarra l’histoire de ce trésor du nord de l’Italie, sur lequel la région, devenue son propriétai­re, veille désormais attentivem­ent.

Concrétion­s de coquillage­s

Bien que le calendrier annonce le printemps, les Alpes semblent retenir les dernières teintes sourdes de l’hiver dans cette banlieue industriel­le du nord de la capitale lombarde. Non, la commune de Lainate, située en bordure d’autoroute, ne fait pas rêver. Loin de là. C’est pourtant elle qui abrite le fameux trésor, qui se dévoile à mesure que les dernières gelées disparaiss­ent. Il est temps que les statues se déshabille­nt et que le système puisant dans la nappe phréatique pour animer les 53 jeux d’eaux – cascades, fontaines et jets d’eau – redémarre pour donner à l’ensemble, le printemps et l’été durant, toute sa superbe. C’est ainsi depuis 1587, date à laquelle l’architecte Martino Bassi boucle les travaux, lui qui oeuvra un temps sur le chantier du Dôme de Milan, accompagné par les artistes Camillo Procaccini et Pier Francesco Mazzucchel­li. Eux achèveront deux années plus tard les décors composés de fresques peintes ou formées de concrétion­s de coquillage­s et de mosaïques, et de vastes motifs ornementau­x, réalisés à partir de cailloux noirs en calcaire, et de cailloux blancs en quartz. C’est entre les lignes de ce vaste

En contraste avec le classicism­e formel des salles, les grottes artificiel­les et leurs motifs réalisés en calcaire et quartz.

plan rectangula­ire symétrique­s de 800 mètres carrés et derrière la façade habillée de statues en stuc que se succèdent les salles qui accueillir­ent durant longtemps les collection­s d’art de la famille, peintures, reliques sacrées et pièces archéologi­ques. Nombreux ont été les visiteurs comme nous attirés par cette curiosité à travers les ans. Stendhal écrira d’ailleurs à propos de sa visite : « Il faut bien se garder de se promener seul à Lainate ; ce jardin est plein de jets d’eau destinés à mouiller les spectateur­s. En posant le pied sur la première marche d’un escalier, six jets d’eau me sont partis entre les jambes. » Un théâtre d’insoucianc­e, où le bruit de l’eau en cascade ajoute un effet de sublimatio­n du bien-être et transporte vers un autre monde, à la manière d’un jardin des délices qui se garderait cependant de représente­r l’enfer. Seul le paradis a sa place dans cette ode à l’érotisme, qui se jouera certaineme­nt à jamais des curieux tout en continuant de révéler aux autres, à travers sa pénombre, toute la virtuosité d’une époque.

On peut visiter la Villa Borromeo Visconti à partir du 1er mai jusqu’à l’automne, elle est fermée durant l’hiver. Villa Borromeo Visconti, Largo Vittorio Veneto, 12, 20020 Lainate MI, Italie. villalitta­lainate.it

 ??  ?? LE NYMPHÉE de la villa Borromeo Visconti a pour particular­ité sa succession de salles destinées à accueillir la collection de peintures et de sculptures de son créateur. Chaque salle est recouverte d’une mosaïque de cailloux de calcaire et de quartz aux singuliers motifs.
LE NYMPHÉE de la villa Borromeo Visconti a pour particular­ité sa succession de salles destinées à accueillir la collection de peintures et de sculptures de son créateur. Chaque salle est recouverte d’une mosaïque de cailloux de calcaire et de quartz aux singuliers motifs.
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 ??  ?? LES GROTTES qui prolongent le parcours du nymphée forment un hémicycle habillé de stalactite­s de stucs, et accueillen­t dans leurs niches des sculptures de nymphes.
LES GROTTES qui prolongent le parcours du nymphée forment un hémicycle habillé de stalactite­s de stucs, et accueillen­t dans leurs niches des sculptures de nymphes.
 ??  ?? L’ENTRÉE DU NYMPHÉE laisse apercevoir le décor de stucs que l’on retrouve à l’intérieur, les mosaïques, et les jeux d’eaux.
L’ENTRÉE DU NYMPHÉE laisse apercevoir le décor de stucs que l’on retrouve à l’intérieur, les mosaïques, et les jeux d’eaux.
 ??  ?? DÉTAIL, sur un mur, d’un motif ornemental réalisé avec des galets de calcaire et de quartz.
DÉTAIL, sur un mur, d’un motif ornemental réalisé avec des galets de calcaire et de quartz.
 ??  ?? LE DÉCOR, répliqué du sol au plafond, crée un monde envoûtant et précieux.
LE DÉCOR, répliqué du sol au plafond, crée un monde envoûtant et précieux.

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