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Les maisons paysage d’Alberto Ponis

Sur la Costa Paradiso, en Sardaigne, l’architecte Alberto Ponis a bâti, à partir des années 1960, une série de maisons de vacances au dessin dicté par leur environnem­ent naturel, au point de s’y fondre totalement.

- PAR Sophie Pinet

Dans les années 1960, en Sardaigne, l’architecte a bâti des maisons se fondant dans leur environnem­ent.

J’ai construit près de 200 maisons. J’en ai pensé le moindre détail, jusqu’à l’emplacemen­t de la baignoire dans chacune des salles de bains. Ce qui signifie que, pendant plus de quarante ans, j’ai passé mes hivers à concevoir des maisons dans lesquelles mes clients venaient passer leurs étés », racontait l’architecte il y a quelques mois, en préambule de l’exposition qui lui était consacrée à l’Institut d’histoire et de théorie de l’architectu­re de Zurich. Mais ce que ne semble pas réaliser Alberto Ponis, c’est à quel point son travail résonne à l’heure où sa discipline tend à se recentrer vers ce qu’elle a de plus noble : le contexte dans lequel elle s’inscrit, qui, au-delà de lui conférer une intemporal­ité folle, a permis de placer son oeuvre parmi plus beaux exemples d’architectu­re vernaculai­re du monde.

Tout a démarré au début des années 1960. Une époque où, jeune homme, Ponis le Génois avait quitté son Italie natale pour rejoindre l’Angleterre et goûter aux préceptes du modernisme au sein des agences de Denys Lasdun, puis d’Ernö Goldfinger, au moment où elles commençaie­nt à tendre vers le brutalisme. Un jour, un peu par hasard, un ami architecte d’intérieur lui demande son aide pour dessiner les plans d’une villa en Sardaigne. Deux nuits et deux jours à penser un projet dont il découvrira, une fois la constructi­on achevée, les invraisemb­lances et autres libertés absurdes prises par le promoteur. Ce qui n’empêchera pas, bien plus tard, qu’il soit rappelé pour bâtir de nouveau sur cette île per

çue comme un ailleurs alors trop mal desservi pour attirer des flots de touristes. Mais pour Alberto Ponis, ce morceau de la côte nord orientale de l’île était « l’endroit idéal, au moment idéal » pour commencer une nouvelle vie, là où les récifs rouges sculptés par le vent plongent à pic dans le bleu turquoise de la Méditerran­ée.

C’est donc suite aux frustratio­ns nées avec ce premier projet imaginé trop loin de l’île qu’Alberto Ponis va entreprend­re la réalisatio­n d’un portrait photograph­ique de ce territoire, parcourant chacune de ses anses, empruntant chacune de ses routes qui ressemblai­ent encore à des chemins, pour comprendre son paysage, sa végétation et ses habitats traditionn­els. Il est fasciné par ce qu’il découvre, par le rythme que les éléments donnent à la nature, par la manière dont ils sculptent les courbes de ces roches vieilles de millions d’années, qui se déroulent jusqu’à la seule ligne droite visible ici, celle que forme la ligne d’horizon. Il est aussi étonné par le champ des possibles qui s’ouvre à sa pratique, au point de s’installer définitive­ment sur l’île en mars 1963. Les premiers

clients vont en appeler d’autres, toujours plus nombreux, ce qui l’empêchera toujours, selon lui, d’intellectu­aliser sa pratique, mais tissera entre chacune de ses réalisatio­ns un fil d’Ariane évident, soit des formes pures, quasi organiques, enveloppan­t des structures composées d’un seul niveau, toutes abritées par un toit de tuiles, qui ondulent selon le rythme des roches environnan­tes, jusqu’à les rejoindre comme pour mieux s’y fondre, puis disparaîtr­e dans le paysage. Un paysage de la Costa Paradiso dans lequel l’architecte ne cessera de compléter cette oeuvre singulière jusqu’à l’aube de l’an 2000. Une oeuvre composée de maisons de vacances, aussi humble que juste, peutêtre parce qu’elle est liée à ce petit territoire et son paysage, uniquement ; et non à un courant de pensée.

À lire : The Inhabited Pathway, The Built Work of Alberto Ponis in Sardinia, par Sebastiano Brandolini, Paks Books.

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ALBERTO PONIS au début des années 1970.
 ??  ?? LA PISCINE de la Casa Gostner (1998). C’est l’un des rares bassins signés par l’architecte, pour qui cet élément devait ressembler à tout, sauf à une vaste baignoire au pied d’une maison.
LA PISCINE de la Casa Gostner (1998). C’est l’un des rares bassins signés par l’architecte, pour qui cet élément devait ressembler à tout, sauf à une vaste baignoire au pied d’une maison.
 ??  ?? LA CASA DI IVAN (1994), ci- dessus, ressemble à une étoile de mer, avec sa toiture recouverte de larges tuiles, comme toutes les villas construite­s par l’architecte.
LA CASA DI IVAN (1994), ci- dessus, ressemble à une étoile de mer, avec sa toiture recouverte de larges tuiles, comme toutes les villas construite­s par l’architecte.
 ??  ?? LA CHEMINÉE CENTRALE du Studio di Yasmin (1971), l’une des plus petites réalisatio­ns d’Alberto Ponis, évoque le plan circulaire de la maison.
LA CHEMINÉE CENTRALE du Studio di Yasmin (1971), l’une des plus petites réalisatio­ns d’Alberto Ponis, évoque le plan circulaire de la maison.
 ??  ?? LA CASA HARTLEY (1970) disparaît quasiment entre les roches de la Costa Paradiso.
LA CASA HARTLEY (1970) disparaît quasiment entre les roches de la Costa Paradiso.

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