Comme une maison à Manhattan
À un client qui leur offrait une inattendue carte blanche, le duo d’architectes Ashe Leandro a répondu par un appartement au luxe tranquille et raffiné. Une chaleureuse retraite en pleine ville.
Le duo d’architectes Ashe Leandro a réalisé un intérieur au luxe tranquille et raffiné, telle une chaleureuse retraite en pleine ville.
Un air de cathédrale pour le grand salon, entre volumes XXL et lumière douce.
Un rêve. » C’est ainsi qu’Ariel Ashe décrit son dernier chantier en date, soit un triplex à Tribeca, au sud de Manhattan, aménagé pour un homme et ses deux filles adolescentes. Ariel Ashe, c’est la moitié « architecture d’intérieur » du duo new-yorkais en vogue Ashe Leandro ; Reinaldo Leandro en étant la partie « architecture ». Le succès de cette petite agence, créée en 2008, est grand depuis quelques années, notamment parce qu’elle décore les maisons de nombreuses personnalités du monde de l’entertainment dont Naomi Watts, Jake Gyllenhaal ou encore Gwyneth Paltrow, celle-ci venant de leur confier sa maison des Hamptons.
Pour en revenir au chantier « de rêve » qui nous occupe, l’histoire commence par un mail. Celui d’un entrepreneur à succès dans le domaine de la « tech » en train d’acheter un (très) vaste appartement à Manhattan, qui demande aux architectes de venir le visiter avec lui avant qu’il ne signe.
Inventer une histoire au lieu
« L’appartement était très beau et grand, raconte Ariel Ashe, mais il se trouve que j’en avais vu un autre à peine quelques jours auparavant qui m’avait immédiatement plu, bien que plus petit. Situé en triplex aux 6e, 7e et 8e étages d’un ancien immeuble industriel transformé en appartements très chics – Justin Timberlake vit à cette adresse – avec le plus joli garage que j’aie jamais vu et une immense terrasse –, il m’avait tapé dans l’oeil. J’en ai parlé à mon client, il est allé le voir le jour même et l’a acheté dans la foulée. Puis il nous a donné carte blanche pour aménager l’espace, parce qu’il considère que les gens donnent le meilleur d’eux-mêmes quand on
leur fait entièrement confiance. » La collaboration commençait manifestement sous de bons auspices.
Ariel Ashe travaille à l’instinct et, dans ce penthouse sur trois niveaux, elle a immédiatement su où elle allait. Nul besoin de revoir les volumes, le salon est déjà doté d’une double hauteur sous plafond. En revanche, l’ensemble a l’air trop neuf, et la solution va être de reprendre tous les sols, les murs et les huisseries des nombreuses fenêtres et baies vitrées avec des matériaux plus pérennes, comme pour ancrer l’ensemble dans le temps.
Pour les murs, le duo fait venir Eddy Dankers, un peintre artisan belge qui s’est spécialisé, au fil d’une collaboration avec l’antiquaire et décorateur Axel Vervoordt, dans la réalisation d’enduits uniques. Il travaille deux mois sur place avec son équipe, apportant profondeur et esprit aux murs de l’appartement, notamment dans les volumes XXL de la pièce centrale, où la
lumière semble rebondir d’une paroi à l’autre. À l’exception de l’entrée, qui arbore un magnifique dallage noir et blanc comme dans une demeure patricienne, les sols sont entièrement reparquetés en chêne clair puis réchauffés par des tapis. Dans la cuisine, laissée telle qu’elle avait été aménagée mais repeinte en noir, certains murs sont doublés avec de la brique pour apporter la chaleur de ces tons de terre cuite – un clin d’oeil aussi aux bâtiments industriels du quartier que l’on aperçoit par la fenêtre. Les cheminées sont modifiées aussi, redessinées pour avoir l’air d’avoir toujours été là.
Une fois ce cadre – qui fait presque penser à une maison à la campagne, en version sophistiquée bien sûr – affirmé, Ariel Ashe s’attaque au mobilier. Elle utilise les chaises et les suspensions de Ruemmler, la collection qu’Ashe Leandro a lancée début 2019, y ajoutant de grands canapés confortables et des meubles et objets chinés, jusque dans le détail des objets décoratifs ou usuels. À aucun moment le propriétaire n’oppose de restriction.
« Et pendant les neuf mois qu’ont duré les travaux, il a dormi sur place, dans la chambre d’amis qu’il nous avait demandé de finaliser en premier. Je ne sais honnêtement pas comment il a supporté la poussière et les désagréments du chantier, mais cela l’intéressait de voir comment se passaient les choses, il voulait regarder ! Quelques jours avant la fin, au moment où nous avons commencé à installer le mobilier, il est parti en déplacement. À son retour, tout était terminé. Nous lui avons fait faire le tour des trois étages, sans qu’il ne dise un mot. Enfin il s’est tourné vers nous : “J’adore”, a-t-il alors simplement déclaré. »