En lignes et en courbes
Dans une architecture spectaculaire signée par l’agence Saota, l’architecte Thierry Lemaire a aménagé un intérieur sur mesure tout en fluidité. Une forme de modernité intemporelle.
Sur les rives du lac Léman, l’architecte Thierry Lemaire a réaménagé un intérieur tout en fluidité dans une architecture contemporaine spectaculaire.
Non, nous ne sommes pas dans un James Bond. Et le méchant Goldfinger ne va pas surgir pour nous galvaniser. Il faut avouer que cette maison nichée au milieu des montagnes suisses aurait sans doute plu à Sir Ken Adam, le scénographe culte de la saga 007… Elle a été commandée à l’agence sud-africaine Saota par son propriétaire, qui n’a pas été déçu. Mais encore fallait-il que l’intérieur soit à la hauteur pour rivaliser avec cette coque spectaculaire. Arrivé sur place, l’architecte Thierry Lemaire a tout de suite saisi l’enjeu : « Il fallait travailler dans l’esprit d’un projet très contemporain, une maison très belle qui n’a pas un seul angle droit. » Autrement dit, savoir s’adapter à ses immenses espaces ouverts sur l’extérieur et en préserver la fluidité, tout en imaginant la déambulation à travers ces centaines de mètres carrés avec quatre chambres, home cinéma, cave à vin, piscines indoor et outdoor comprises. Sans oublier une importante collection d’art moderne et contemporain qui fait la fierté du maître de maison. Voici pour le cahier des charges, présenté au cours d’un entretien de quinze minutes entre deux avions. Thierry Lemaire confirme : « C’est quelqu’un qui aime monter des projets et voulait se faire plaisir en accrochant ses tableaux chez lui. Pour le reste, tout a été très simple : les validations ont pris une heure, c’était noir ou blanc, et heureusement l’équipe sur place était excellente. » Ainsi, au bout de six mois d’étude, le projet était fin prêt. « J’ai gardé le contraste bois pierre béton, explique l’architecte, pour rester dans les matières brutes et sobres, sans tomber dans les tendances de la décoration et surtout éviter le kitsch. J’aime cet esprit classique architectural à la Mies van der Rohe car il est assez
intemporel, pas nécessairement dans l’air du temps. Et puis, quand la boîte est belle, la suite est une évidence. »
Plutôt que de se limiter aux grands noms du marché de l’art, Thierry Lemaire a préféré se laisser guider par les lieux et dessiner sur mesure pratiquement les trois quarts du mobilier, créant des solutions d’aménagement qui multiplient les effets de matière. Dès l’entrée, les cuivres se mélangent entre le vert et le rouge, tel un écho au quadrillage contemporain du moucharabieh réalisé sur mesure pour la douche. Et s’il a fallu imaginer les choses en grand, comme ce canapé XXL qui enveloppe le grand salon, c’est dans le détail que Thierry Lemaire a voulu aussi faire la différence, du calepinage des sols à la mosaïque commandée à Béatrice Serre pour la cuisine. Quelques éléments chinés sont ensuite venus compléter l’ensemble, rythmés çà et là par une toile de Lucio Fontana ou un fauteuil d’Ignazio Gardella. Juste ce qu’il faut pour équilibrer les époques, sans se laisser vampiriser par les années 1950. Ou comment créer son propre espace-temps, au-delà des époques, comme nous l’avoue Thierry Lemaire : « J’espère que ce projet sera encore bien dans vingt ans. » Bel objectif.
Les formes fluides et aériennes du béton contrastent avec la géométrie des immenses baies vitrées.