Renaissance à l’italienne
C’est l’histoire d’une maison construite pour un couple avec amour, et transformée quelques années et un remariage plus tard. Un travail sur le décor, opéré avec toute la subtilité nécessaire par Studio Shamshiri et Commune Design.
En Californie, Studio Shamshiri et Commune Design ont offert une seconde vie à une villa, travaillant sur le décor avec une grande subtilité.
La vitesse est inexorablement devenue le maître mot de nos vies. L’information voyage autour de la planète en quelques minutes, aidée en cela par la myriade de gadgets technologiques qui donnent aujourd’hui le tempo à nos rituels quotidiens. Rien, pas même le domaine du design résidentiel, ne semble échapper à la revendication de l’époque : « Je veux ça, tout de suite ! » Heureusement, il y a des exceptions. Une maison majestueuse de Californie du Nord offre un contre-pied éloquent à cette apologie générale de la vélocité. Remodelée avec amour au cours de plusieurs décennies, elle tire sa force des nombreuses mains expertes et bienveillantes qui ont présidé à sa conception et à son évolution.
Tout commence au milieu des années 1980, lorsque l’un des propriétaires actuels s’embarque dans un voyage d’étude de deux mois à la découverte des palazzi italiens, dans l’objectif de se faire, au retour, construire sa propre maison. Il est accompagné de deux de ses meilleurs amis, l’architecte Ned Forrest et le décorateur Rory McCarthy. « Nous avons plus ou moins conçu le plan général de la maison alors que nous étions encore en Italie, se souvient-il.
Nous avons trouvé l’inspiration dans différentes sortes de bâtiments, dont les classiques villas palladiennes. Mais j’étais particulièrement attiré par les formes simples, élémentaires des fermes et maisons de maîtres de la pré‑Renaissance que nous avons visitées. Nous passions nos journées à examiner chaque détail architectural et à mesurer les pièces pour comprendre pourquoi nous nous y sentions si bien. » À leur retour, il se lance avec ses collaborateurs – dont Ed Clay, un ébéniste et menuisier de talent – dans le dessin d’une maison aussi noble et gracieuse que ses lointaines aïeules italiennes. La construction prend environ →
quatre années, à l’issue desquelles fait son entrée le décorateur Mark Hampton – légendaire aux États-Unis, il eut notamment pour clients la philanthrope Brooke Astor, la femme d’affaires Estée Lauder, ainsi que trois présidents américains. « Il est arrivé alors que nous allions nous lancer dans les finitions, observe le maître des lieux. Son expertise et ses connaissances historiques affleurent dans chaque pièce. »
Une allure patricienne
Une vingtaine d’années plus tard, en 2010, divorcé et remarié, le propriétaire décide de rafraîchir les intérieurs de sa villa. « Nous étions en train d’écrire un nouveau chapitre de nos vies, se souvient celle qui partage aujourd’hui sa vie, et nous avions envie d’imprimer à la villa une vision commune. Je suivais le travail des architectes de Commune Design depuis quelque temps déjà, et j’avais très envie de travailler avec eux. » OEuvrant en tandem, Pamela Shamshiri, qui travaillait alors encore chez Commune, et Roman Alonso, cofondateur de l’agence, cherchent à remettre la maison au diapason de la personnalité de leurs clients, tout en conservant son allure patricienne. « On aurait dit la maison d’un célibataire. Il y manquait un centre, un coeur », confie Roman Alonso pour expliquer pourquoi l’équipe se focalisa au départ sur le volumineux salon. « Nous avons tenté d’atténuer son côté surdimensionné et d’en faire un espace plus confortable et intime », ajoute Pamela Shamshiri. D’où l’installation de lambris cirés couleur tabac et l’ajout de sièges en tapisserie. Pour rompre avec la rigidité esthétique des antiquités qui ornent la pièce, ils y insèrent des objets contemporains. Les deux décorateurs ravivent aussi la palette de couleurs originelle en ajoutant de grands rideaux jaunes et en repeignant le haut plafond d’un lumineux bleu lavande. Un immense tapis apporte de l’unité à l’ensemble. Ils portent ensuite leur attention sur les pièces de l’étage, dont la sérénissime chambre du couple. « La chambre, c’est bien sûr l’endroit où deux personnes se retrouvent, et il était particulièrement important qu’y règnent les sentiments de renaissance et d’optimisme », explique
Pamela Shamshiri. « Nous n’avons en revanche pas touché aux autres pièces, qui étaient parfaites », ajoute Roman Alonso.
Plus récemment, Studio Shamshiri, l’agence fondée depuis par Pamela avec son frère Ramin, a parachevé la transformation en travaillant sur le bureau de l’épouse, les chambres d’amis et la salle à manger rouge. Dans le salon olive, où les propriétaires aiment s’installer pour bavarder autour d’un dernier verre, Pamela Shamshiri a apporté quelques modifications aux meubles en tapisserie tout en préservant les thèmes originels datant de l’époque Hampton. « Les rideaux choisis par Mark avaient tendance à faire masse sur le plancher, Pam leur a rendu du mouvement. C’est un peu la différence entre un jean pattes d’eph et un skinny », sourit le mari.
« La maison a évolué au fur et à mesure que nous prenions confiance dans notre relation, et elle reflète aujourd’hui la vie de famille que nous nous sommes créée, commente-t-elle. Il y a des talismans et des preuves d’amour partout. »
« Nous avons tenté d’atténuer le côté surdimensionné de la villa et d’en faire un espace plus confortable et intime. » — La décoratrice Pamela Shamshiri