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Éclectique et enchanteur

- Thibaut Mathieu RÉALISATIO­N Philippe Garcia PHOTOS Marion Bley TEXTE

Dans le Xe arrondisse­ment de Paris, le designer de chaussures Corrado De Biase s’est inventé un appartemen­t baroque et foisonnant, à son image.

Il y a presque deux ans, le créateur de chaussures Corrado De Biase investissa­it un appartemen­t du Xe arrondisse­ment de Paris, séduit par ses décors de moulures évocateurs d’un passé aristocrat­ique. Il nous fait visiter auourd’hui ce lieu transformé à son image.

D’origine italienne, des Pouilles précisémen­t, le designer de souliers Corrado De Biase vit depuis des années à Paris. Il s’est récemment installé dans un appartemen­t du Xe arrondisse­ment proche de la rue de Paradis qu’il a entièremen­t métamorpho­sé. Il nous raconte cette aventure.

Un coup de foudre

« J’avais besoin d’espace et je cherchais un appartemen­t avec un jardin ou une terrasse, mais j’ai visité celui-ci, et les reliquats de sa vie passée – il aurait été habité par une comtesse, une duchesse… – m’ont charmé. J’ai su que je pourrais en faire quelque chose à mon image. Ici, aujourd’hui, c’est mon ancien appartemen­t puissance cinquante : chaque pièce est différente de l’autre, comme si l’on traversait sept appartemen­ts différents, de l’entrée au salon “marocain”, à la salle à manger-jardin d’hiver puis à la chambre, et jusqu’à la cuisine, en passant par la garde-robe – sans oublier la salle de bains. »

Une révélation

« Je l’ai eue à l’hôtel Royal Mansour, à Marrakech, la première fois que j’y suis allé. Partout, dans chaque riad, tout est décoré, orné, travaillé… J’ai compris que l’on pouvait se sentir complèteme­nt dépaysé par le simple fait d’un décor, sans aucune connexion avec ce qu’il se passait autour, et que l’on n’avait donc pas besoin de respecter les règles de l’extérieur. Dans ce sens, je me sens proche de des Esseintes, le personnage du roman À Rebours de Joris-Karl Huysmans, que j’adore. »

Des intuitions

« En matière de décoration, les choix ont été très rapides ; tout était déjà dans ma tête. Côté rue, j’avais envie d’un salon qui m’évoque le Maroc et Marrakech, alors que dans la pièce qui donnait sur la cour j’ai tout de suite vu un jardin d’hiver, où j’ai eu envie d’évoquer la nature artificiel­le avec une moquette à palmes, beaucoup de vert, des chaises en bambou… J’ai procédé spontanéme­nt : par exemple, dans le salon, je voulais le canapé Tufty-Time de Patricia Urquiola pour B& B Italia, mais tapissé de velours léopard ; on ne pouvait bien sûr pas faire un essai, il a fallu se lancer (avec un superbe velours Nobilis)… Eh bien j’étais aux anges en le recevant, c’est exactement ce que je voulais. »

Le chantier

« J’avais des idées, et mon architecte, Noël Dominguez-Truchot (cabinet NDA), a tout sublimé. Lui, les artisans qui ont travaillé sur le chantier, les galeristes comme Laurence Vauclair qui m’ont beaucoup aidé, ont tout fait en respectant mes envies, et je crois qu’ils ont trouvé cela très divertissa­nt. C’était comme une performanc­e ! Maintenant, on verra si j’aime, je m’habitue à vivre ici. »

La lumière

« J’adore qu’une maison soit sombre, pour moi la lumière n’est pas un atout. Je reproduis artificiel­lement une lumière que j’aime, ma lumière à moi. »

Mes inspiratio­ns

« Avant tout, Tony Duquette ! (Décorateur américain célèbre pour son approche maximalist­e des intérieurs, façon “more is never enough”, cf AD 87 d’octobre 2009, ndlr.) Mon rêve absolu serait de vivre dans une maison qu’il aurait décorée… Lui et sa femme osaient tous les mélanges, avec des objets qui venaient du monde entier. »

Les céramiques

« J’adore en acheter, sans jamais les voir comme un investisse­ment : quand j’achète, la valeur économique n’a pas d’importance. J’ai des pièces de Clément Arnaud, de Victor Levai, Anne-Sophie Gilloen – mais j’aime celles de Picasso aussi. »

Un acheteur compulsif

« J’achète tout le temps, j’adore ça. Dans des galeries, aux puces de Saint-Ouen, au Maroc, en Italie, à L.A… où que j’aille. La plupart des choses qui sont ici ont été acquises pendant les travaux, et cela va continuer. Je déteste l’idée d’acheter des objets ou des meubles pour qu’ils aillent ensemble. Je choisis des choses que j’aime et on verra. Je leur trouverai une place. Et quand une chose ne me plaît plus, elle disparaît. Je n’ai pas de véritable attachemen­t aux objets, c’est une évolution constante, au fil de mon esthétique du moment. »

La décoration

« Je ne comprends pas comment on peut décorer la maison de quelqu’un d’autre. Pour moi, impossible ! « Je ne demande l’avis de personne, je n’accepte pas les conseils – ce qui peut être mal pris. Je ne sais pas si quelqu’un d’autre que moi pourrait vivre ici… Cet appartemen­t est à mon image, il est pour moi – d’ailleurs je déteste recevoir. Cela dit, je suis toujours insatisfai­t : on peut toujours avoir mieux, plus beau. Je cherche la beauté parfaite. »

J’aime, je déteste

« Je déteste le “chic”, l’“élégance”. J’adore ce qui est “tacky” (un peu vulgaire, de mauvais goût, ndlr). J’aime aussi les meubles d’Aldo Turra (designer-fabricant italien du xxe siècle, ndlr), les tapisserie­s de Jean Picart Le Doux ou Jean Lurçat, les toiles du peintre néerlandai­s César Domela mais, plus que des signatures, je recherche des sensations. »

La beauté des métiers

« S’il y a une chose que j’aimerais dire avec cet appartemen­t, c’est la beauté des métiers de la décoration. Tous les gens que j’ai rencontrés, des antiquaire­s aux artisans, des éditeurs de tissus comme de moquette ou de papiers peints, ont un amour incroyable pour ce qu’ils font, dans les moindres détails, ainsi qu’un respect inouï des savoir-faire. Il faut oser aller découvrir leur monde. »

« J’adore qu’une maison soit sombre.

J’y reproduis artificiel­lement une lumière que j’aime, ma lumière à moi. »

—— Le créateur Corrado De Biase

 ??  ?? DANS LA CUISINE, au bout d’un corridor laqué noir, une table ( Tolix) sur un tapis marocain, devant un rideau brodé à la main par la mère et la grand-mère de Corrado de Biase suivant la technique italienne traditionn­elle du tompolo. Chaise en bois années 1930 chinée. Carreaux de ciment (carrelages du Marais).
DANS LA CUISINE, au bout d’un corridor laqué noir, une table ( Tolix) sur un tapis marocain, devant un rideau brodé à la main par la mère et la grand-mère de Corrado de Biase suivant la technique italienne traditionn­elle du tompolo. Chaise en bois années 1930 chinée. Carreaux de ciment (carrelages du Marais).
 ??  ?? DANS L’ENTRÉE de l’appartemen­t, un parquet à chevrons de quatre essences de bois apporte son esprit couture, sous un plafond à larges rayures noires et blanches. Derrière le cabinet en parchemin vert d’Aldo Tura, le mur est couvert de miroir mosaïque (King Miroirs). Palmiers sculptures en laiton années 1970 chinés. Lustre en laiton tchécoslov­aque années 1970-1980 ( Thomas Bonzom).
DANS LA CHAMBRE entièremen­t tapissée de jacquard de soie noir, or et argent (Dedar), un cabinet en parchemin vert malachite d’Aldo Tura des années 1970 sert de coffre à bijoux.
DANS L’ENTRÉE de l’appartemen­t, un parquet à chevrons de quatre essences de bois apporte son esprit couture, sous un plafond à larges rayures noires et blanches. Derrière le cabinet en parchemin vert d’Aldo Tura, le mur est couvert de miroir mosaïque (King Miroirs). Palmiers sculptures en laiton années 1970 chinés. Lustre en laiton tchécoslov­aque années 1970-1980 ( Thomas Bonzom). DANS LA CHAMBRE entièremen­t tapissée de jacquard de soie noir, or et argent (Dedar), un cabinet en parchemin vert malachite d’Aldo Tura des années 1970 sert de coffre à bijoux.
 ??  ?? DANS LA SALLE À MANGER, qui évoque un jardin d’hiver avec sa moquette « palmes » (Codimat) et son plafond « treille » ( Zuber), autour d’une table Cerfs d’Alain Chervet, 1984 (Galerie Canavese), un ensemble de fauteuils et chaises en bambou de la manufactur­e Perret & Vibert, fin xixe siècle (Galerie Vauclair). À droite, devant le miroir, une sellette et une coupe en Vallauris bleu de Delphin Massier, vers 1900 (Galerie Vauclair) au- dessus desquelles « tombent » des céramiques de Victor Levaï ; à gauche un paon blanc naturalisé (Design et Nature) trône sur une sellette en bambou des années 1890-1900 (Galerie Vauclair). De chaque côté, dans des jarres en céramique tamegroute du Maroc, des cactus
(Les Succulents Cactus).
DANS LA SALLE À MANGER, qui évoque un jardin d’hiver avec sa moquette « palmes » (Codimat) et son plafond « treille » ( Zuber), autour d’une table Cerfs d’Alain Chervet, 1984 (Galerie Canavese), un ensemble de fauteuils et chaises en bambou de la manufactur­e Perret & Vibert, fin xixe siècle (Galerie Vauclair). À droite, devant le miroir, une sellette et une coupe en Vallauris bleu de Delphin Massier, vers 1900 (Galerie Vauclair) au- dessus desquelles « tombent » des céramiques de Victor Levaï ; à gauche un paon blanc naturalisé (Design et Nature) trône sur une sellette en bambou des années 1890-1900 (Galerie Vauclair). De chaque côté, dans des jarres en céramique tamegroute du Maroc, des cactus (Les Succulents Cactus).
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 ??  ?? DANS LE SALON MAROCAIN, face au canapé Tufty Time de Patricia Urquiola (B&B Italia) tapissé de velours léopard (Nobilis), deux fauteuils, l’un « éléphant » en rotin des années 1950 et l’autre en céramique des années 1950-1970 (Galerie Vauclair). Lustre « soleil » (Galerie Glustin). Tapis en laine marocain.
DANS LE SALON MAROCAIN, face au canapé Tufty Time de Patricia Urquiola (B&B Italia) tapissé de velours léopard (Nobilis), deux fauteuils, l’un « éléphant » en rotin des années 1950 et l’autre en céramique des années 1950-1970 (Galerie Vauclair). Lustre « soleil » (Galerie Glustin). Tapis en laine marocain.
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 ??  ?? SUR FOND DE BOISERIES laquées noir, un cabinet-bar en parchemin laqué et laiton d’Aldo Tura années 1960. Au- dessus d’un meuble d’inspiratio­n moyenâgeus­e en bois de palmier années 1950 (Colangelo Antiquités), un tableau de César Domela Relief n° 115, 1967 ( Thessa Hérold) et une tapisserie de Jean Picart Le Doux.
DANS LA CUISINE, au bout d’un corridor laqué noir, une table ( Tolix) sur un tapis marocain, devant un rideau brodé à la main par la mère et la grand-mère de Corrado De Biase selon la technique italienne traditionn­elle du tompolo. Chaise en bois années 1930 chinée. Carreaux de ciment (Carrelages du Marais).
SUR FOND DE BOISERIES laquées noir, un cabinet-bar en parchemin laqué et laiton d’Aldo Tura années 1960. Au- dessus d’un meuble d’inspiratio­n moyenâgeus­e en bois de palmier années 1950 (Colangelo Antiquités), un tableau de César Domela Relief n° 115, 1967 ( Thessa Hérold) et une tapisserie de Jean Picart Le Doux. DANS LA CUISINE, au bout d’un corridor laqué noir, une table ( Tolix) sur un tapis marocain, devant un rideau brodé à la main par la mère et la grand-mère de Corrado De Biase selon la technique italienne traditionn­elle du tompolo. Chaise en bois années 1930 chinée. Carreaux de ciment (Carrelages du Marais).
 ??  ?? DANS LA CHAMBRE, au- dessus du lit sur son estrade de moquette en mohair (Codimat), une tapisserie de Jean Picart Le Doux et des « oiseaux en métal doré », oeuvre de Bijan J. Bijan. Suspension à éléments en verre soufflé tchèque années 1970 sur une structure en laiton ( Thomas Bonzom).
DANS LA CHAMBRE, au- dessus du lit sur son estrade de moquette en mohair (Codimat), une tapisserie de Jean Picart Le Doux et des « oiseaux en métal doré », oeuvre de Bijan J. Bijan. Suspension à éléments en verre soufflé tchèque années 1970 sur une structure en laiton ( Thomas Bonzom).
 ??  ?? DANS LA SALLE DE BAINS tout en quartzite jungle du Brésil, à côté du meuble vasque et sa robinetter­ie (Devon & Devon), une sellette « éléphant » en bois noirci fin xixe supporte quelques objets décoratifs. Lustre en verre soufflé et laiton années 1940 par Barovier & Toso ( Thomas Bonzom).
DANS LA SALLE DE BAINS tout en quartzite jungle du Brésil, à côté du meuble vasque et sa robinetter­ie (Devon & Devon), une sellette « éléphant » en bois noirci fin xixe supporte quelques objets décoratifs. Lustre en verre soufflé et laiton années 1940 par Barovier & Toso ( Thomas Bonzom).

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