Élégance atemporelle
Dans le quartier de la nouvelle Athènes, l’architecte d’intérieur Luis Laplace insuffle rigueur et poésie à un appartement parisien en rez-de-jardin.
« J’ai cherché, à travers un mélange d’objets de styles et d’époques contrastées, à définir un cadre atemporel mais éclectique. »
— L’architecte d’intérieur Luis Laplace
DANS LA SALLE À MANGER, autour d’une table au plateau en marbre brocatelle de Sienne (Laplace Bespoke), des fauteuils également dessinés par Luis Laplace. Dans le fond, un lampadaire de Mathieu Matégot des années 1950.
AU BOUT DE LA TABLE, une bibliothèque- colonne italienne des années 1940. Entre les deux, une chaise de jardin en métal Belle Époque.
Voilà presque dix ans que l’architecte d’intérieur Luis Laplace réside en étage d’un bel immeuble ensoleillé bordant la place Saint-Georges, dans le IXe arrondissement de Paris. Non content d’y vivre, il a également installé son agence quelques paliers plus bas, où il oeuvre entouré d’une vingtaine de collaborateurs. Il inaugure à présent en rez-de-jardin un espace attenant à ses bureaux, entre salons de réception, showroom et galerie d’art. « Nous l’appelons l’Atelier, car c’est un lieu destinée à lancer des idées, des collaborations, des projets découlant de conversations, confie le maître de maison. Nous recevons ici nos clients, mais aussi des artistes et des amis, le temps d’un déjeuner ou d’un dîner. Il s’agit d’un lieu de vie autant que de travail. »
Basé à Paris depuis 2004 après une période passée à New York, ce décorateur argentin se plaît à multiplier croisements culturels et intellectuels. Si ses références architecturales sont à chercher du côté du modernisme, ce grand amateur d’art contemporain a su séduire artistes, collectionneurs et galeristes internationaux par ses réalisations mêlant rigueur et poésie. Cindy Sherman et Emmanuel Perrotin lui ont confié leurs intérieurs parisiens...
« Conçu comme un appartement privé, avec une cuisine, un salon et une salle à manger, l’Atelier permet à mes clients de se projeter de façon très immédiate dans mon univers. De la sélection des meubles parmi ceux que je crée aux pièces vintage chinées aux puces ou sur Internet, et aux oeuvres provenant de la galerie Hauser & Wirth. » Dans cet intérieur chaleureux autant qu’élégant, Luis Laplace met en scène les différentes activités de son agence – fondée en 2007 –, à savoir l’architecture intérieure, le mobilier en édition limitée, les antiquités et un service d’accompagnement en achat d’art.
Bousculer les genres
Afin de casser l’aspect cérémonieux propre au grand salon, ce cinquantenaire pétillant a ainsi accroché une peinture sauvage de Keith Tyson et placé une très iconoclaste sculpture Plug de Paul McCarthy sur une table basse. « Je respecte toujours le contexte dans lequel je suis amené à intervenir, j’aime conserver l’âme des lieux, je ne suis pas du genre à vouloir effacer toutes les traces du passé afin de tout reprendre à zéro, mais il m’importe de rafraîchir l’ambiance. Il émanait de cet appartement de réception un esprit très parisien : à travers un mélange d’objets de styles et d’époques contrastées j’ai cherché à définir un cadre
atemporel mais éclectique. » On retrouve des luminaires italiens des années 1950 voisinant avec une table minimale dans l’alcôve-bar, des assises sixties mixées à un lit de repos néoclassique 1940 dans le petit salon et un canapé de Carlo Scarpa à côté de céramiques Art déco dans la pièce de réception. « Notre génération voyage beaucoup, nous sommes amenés à découvrir des choses intéressantes aux quatre coins du globe, ces télescopages culturels influencent notre façon de concevoir les intérieurs, comme c’est mon cas ! » Touche de lainage vif pour les assises du salon, murs chocolat dans le bar attenant, peinture gris bleu dans le boudoir, Luis Laplace insuffle force et singularité aux différentes pièces à travers des gammes profondes et rêveuses. « J’aime beaucoup les couleurs, elles ne me font pas peur ; il s’agit pour moi d’un moyen d’expression très naturel pour apporter une forme de modernité à mes réalisations somme toutes assez atemporelles. Plus encore que les objets, les tonalités définissent l’esprit d’une l’époque. »
Pour Luis Laplace, vie privée et professionnelle sont intimement liées ; il développe son agence avec son compagnon Christophe Comoy, avocat de formation. Si l’Argentin supervise l’architecture d’intérieur, le Français, non content de gérer le management de l’entreprise, oeuvre également au sourcing d’objets anciens, comme il s’implique dans la conception des jardins. L’agencement de la terrasse façon salon d’extérieur donnant sur la fontaine centrale de la place Saint-Georges lui doit beaucoup. Mêlant diverses essences d’arbustes, mobilier de jardin fifties et sculpture contemporaine, l’endroit semble en suspens, hors du temps.
« Nous n’avons pas fini d’occuper l’immeuble: l’agence allant en se développant, nous allons investir un nouvel espace en fond de cour pour y installer certains de nos collaborateurs. » Doucement, mais sûrement, avec constance et détermination, Luis Laplace affirme son univers subtil et vigoureux.
« J’aime beaucoup les couleurs, plus encore que les objets, les tonalités définissent l’esprit d’une époque. »
— L’architecte d’intérieur Luis Laplace