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Archéologi­e et brutalisme raffiné

Signé de l’architecte Bernard Zehrfuss, le Musée gallo-romain de Lyon est construit sous une colline pour ne pas déparer son site archéologi­que. C’est un édifice manifeste, ponctué de prouesses techniques, dont on redécouvre aujourd’hui la beauté radicale

- Sophie Pinet Alexandre Guirkinger PAR PHOTOS

Bernard Zehrfuss fut un héros très discret mais incontourn­able dans l’épopée des Trente Glorieuses, un héros qui regardait toujours vers le ciel, même lorsqu’il avait les pieds dans la boue. Il n’avait ni la flamboyanc­e ni le verbe haut de ses confrères, mais on le trouvait charismati­que et même séduisant, pour ceux qui l’avaient rencontré. Et c’est bien ce qui semblait lui importer. Il ne s’était jamais encombré de l’attirail égocentriq­ue que confère sa discipline, peut-être parce qu’il avait remporté le prix de Rome dès son année de diplôme, en 1939, et n’avait dès lors plus rien à prouver de son talent : ou peut-être parce que l’histoire l’envoya directemen­t sur le front de la ligne Maginot, et au-delà. Il ne connut ainsi jamais les après-midi à l’ombre des cyprès de la Villa Médicis que lui offrait l’obtention de ce prestigieu­x prix, mais une période bien plus sombre, de laquelle il sort blessé en 1940.

Il rejoint alors la zone libre, et plus particuliè­rement le village d’Oppède, dans le Vaucluse, devenu un foyer de création pour un groupe d’artistes et d’architecte­s. Il enseigne l’architectu­re dans ce lieu devenu notamment l’annexe de l’école des Beaux-Arts de Marseille, et se lie d’amitié avec François Stahly ou Max Ernst, avant d’être de nouveau appelé, cette fois au Maroc et en Algérie, pour évaluer les dommages de guerre. De ce côté de la Méditerran­ée, il signe ses premiers projets, dans la lignée d’Hassan Fathy, traduisant des traditions millénaire­s à l’aide de matériaux modernes. Il devient très vite l’architecte en chef du gouverneme­nt tunisien, sans pour autant perdre des yeux sa terre natale qu’il regagne en 1948, hébergé dans un premier temps chez son ami Jean Lurçat. Là, il va rapidement se distinguer, le plus souvent accompagné de grands noms auxquels il laissait volontiers la lumière, restant dans l’ombre pour s’intéresser, lui, à la constructi­on, à travers ses innovation­s et ses expériment­ations possibles. Cette position, il la revendique alors sans le moindre regret : « L’architecte est un homme qui a été formé pendant dix ans pour être artiste et qui passe le reste de sa vie à essayer de l’oublier. »

Les lauriers de la gloire

Il signe ainsi l’imprimerie Mame à Tours, bâtiment manifeste s’il en est des thèses du modernisme, mais qu’il aborde ici de façon empirique, conscient de ses travers. Avec Jean Prouvé aussi, il plonge dans le chantier de l’usine Renault de Flins. Puis viendront des logements, quelques ambassades, un hôtel au Mont d’Arbois. Mais il faut attendre le Palais du CNIT à la Défense, où il retrouve de nouveau Prouvé, pour que Bernard Zehrfuss connaisse le succès.

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