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Bucolique et cultivé

Entourée d’un luxuriant jardin, la maison de campagne de Pierre Passebon et Jacques Grange reflète leur goût très personnel pour les arts décoratifs du xxe siècle et les beaux objets d’ailleurs.

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Posée au milieu des champs et des terres agricoles de la région de Vouvray, en Touraine, c’est une vraie maison de campagne, qui semble avoir toujours existé sous son manteau de vigne vierge. « Pourtant, à l’origine, il n’y avait rien. Juste une grange et un hangar, attenant à un corps de ferme qui appartenai­t à la famille de ma mère, se souvient Pierre Passebon. J’ai repris cette partie des bâtiments dans les années 1990, et avec Jacques nous avons entrepris des travaux considérab­les pour en faire une maison de week-end, à une heure de train de Paris. » Les volumes sont cloisonnés pour retrouver des espaces d’habitation aux proportion­s plus classiques, sauf dans la chambre principale où l’on a gardé toute la hauteur sous toiture et la structure métallique de la charpente d’origine.

« Je voulais une maison confortabl­e, avec une cheminée et une bibliothèq­ue, et une cuisine qui soit une vraie pièce à vivre, explique Jacques Grange. C’est effectivem­ent là, autour de la grande table en pierre de Jean Royère, que nous nous installons pour parler de ces nombreux aménagemen­ts. Par la fenêtre, on aperçoit quelques vaches dans le pré à côté de l’entrée et un chevreuil qui traverse le jardin en bondissant. Parfaiteme­nt bucolique.

Grands créateurs du xxe siècle

Le jardin, confié à Louis Benech, a lui aussi fait l’objet de transforma­tions importante­s, avec une campagne de plantation ambitieuse de spécimens matures, comme ce platane de 40 ans que l’on a fait venir des Pays-Bas. Côté champs, une chambre de verdure agrémentée de bassins successifs et une bambousera­ie où médite un Bouddha en terre cuite rapporté de Thaïlande alternent avec une vaste étendue de pelouse, ponctuée par la note bleu électrique d’un pot de Jean-Pierre Raynaud. Côté cour, c’est un alignement de tilleuls palissés en espaliers qui délimitent un patio plus intime. Nous déambulons maintenant à travers la maison et Jacques Grange commente chacun des objets qui s’y sont accumulés au cours des années : des souvenirs de voyages, comme ces carreaux de faïence rapportés du Portugal, des meubles de Jean Royère, de Louis Sognot ou de Marcial Berro présentés au cours d’exposition­s organisées par Pierre Passebon dans sa galerie – «Des invendus», confie Jacques en souriant –, des céramiques de Jouve ou de Picasso, une collection de hiboux – l’animal fétiche de la maison – sous toutes leurs formes, des photos signées François-Marie Banier ou Pierre et Gilles, des dessins de Pierre Le Tan… Du décor d’origine, seule manque la collection de dessins de Christian Bérard, partie pour être présentée dans une exposition, et les créations des Lalanne dispersées au moment de la vente organisée par Sotheby’s en 2017. La conversati­on se poursuit, émaillée d’anecdotes, de bons mots et de références aux grands créateurs du xxe siècle – une chaise de Jean-Michel Frank, une lampe d’Alberto Giacometti – ou aux personnali­tés qui ont accompagné la vie et la carrière de Jacques Grange. Ici, un cadeau d’Yves (Saint Laurent), là, une photo d’Isabelle (Adjani) ou de Caroline (de Monaco). Pour rafraîchir sa mémoire, il se plonge dans le livre d’or de la maison, dont les signatures pourraient faire pâlir le bottin mondain, et continue d’égrener les noms : César, Jean-Pierre Raynaud, Terry de Gunzburg… Parfois, il s’arrête devant un objet. « Ça ? Je ne sais pas ce que c’est. Mais c’est joli, ça suffit ! » Et il poursuit son badinage décoratif. Léger, un brin désinvolte, et toujours référencé, à l’image de son style.

Collection­s de céramiques et photos personnell­es dessinent un espace plus intime dans un coin du salon.

LE SALON, aménagé dans l’ancienne grange, ouvre sur le jardin par une grande baie vitrée qui fait toute la largeur de la pièce. Devant la bibliothèq­ue en pin agrémentée de pilastres en acajou signés André Groult, un très grand canapé capitonné Deauville, dessiné à l’origine par Jacques Grange pour la maison d’Yves Saint Laurent et Pierre Bergé en Normandie. Devant la table basse en liège et bois de Paul Frankl, deux fauteuils en bois paillés de Charlotte Perriand. Derrière, un trépied signé Adolf Loos. Devant la tenture xixe, un fauteuil Louis XIII recouvert d’un tissu de Jean Lurçat. Au fond, sur une table en chêne et cuivre de Marcial Berro, une tête en bois peint africaine. Dessous, deux poêles en céramique en forme de hanneton. Tapis en fibre végétale tressée (Codimat).

LA CUISINE, avec sa cheminée surmontée d’un panneau d’azulejos portugais xviiie. Autour de la table en pierre de Jean Royère, des chaises paillées de Charlotte Perriand. Lustre en fer forgé provençal.

DANS LA SALLE DE BAINS, une colombe d’Alberto Giacometti en plâtre blanc. Sur le meuble anglais en bois laqué, une photo de Jean Larivière et un bronze de centauress­e xixe.

DANS LA CHAMBRE, un fauteuil de Pierre Paulin fait face à un tigre empaillé trouvé chez un antiquaire, tout comme les ours et la tête de cerf qui trône au- dessus des lits. De chaque côté, des tables de Claude Lalanne et, au centre, un cabinet Arts and Crafts russe (Antoine Broccardo). Lampes d’Alexandre Noll, tableaux de Marc Cavell (Maison Rapin) et Rachel Howard. Devant, deux fauteuils de Jean Royère. À gauche, un paravent de Jean Cocteau reprenant le même dessin que celui réalisé par l’artiste dans la chapelle de Milly- la- Forêt.

À l’étage de la grange, la chambre a gardé ses volumes et sa charpente métallique d’origine.

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Thibaut Mathieu RÉALISATIO­N Ambroise Tézenas PHOTOS Marie Kalt TEXTE
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Confortabl­e et lumineux, le salon s’organise autour de la bibliothèq­ue et d’un grand canapé capitonné.
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 ??  ?? DANS LE JARDIN imaginé par Louis Benech où alternent chambres de verdure et étendues de pelouse, un coin ombragé où quelques champignon­s de pierre poussent à l’ombre des bambous.
DANS LE JARDIN imaginé par Louis Benech où alternent chambres de verdure et étendues de pelouse, un coin ombragé où quelques champignon­s de pierre poussent à l’ombre des bambous.
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