Entre visite et salon
En septembre, l’extension de l’Ecole Supérieure d’Ingénieurs des Travaux de la Construction (ESITC) de Caen a été inaugurée (Voir p.14). La maîtrise d’oeuvre de ce chantier a été confiée au cabinet DHA Paris, associé au cabinet Lionel Carli de Granville et aux bureaux d’études Babin et Roptin.
Livrer un bâtiment pour un architecte, marque la fin d’une aventure qui a duré plusieurs mois. Elle démarre par la compétition entre architectes, période de gestation du projet, de sa projection sur le site dans le respect des objectifs du programme, elle continue par les mises au point au plus près des futurs utilisateurs et dans le dialogue avec l’ensemble des acteurs, elle se poursuivit par la construction du bâtiment en étroite collaboration avec les entreprises et l’ensemble des acteurs de la construction, pour arriver à sa livraison. Pour ma part, ce long cycle, ce partenariat quasi-quotidien pendant plusieurs mois, voire années, avec l’ensemble des acteurs ne peut se dérouler sans que je mette une forte dose d’affect dans mon investissement. De ce fait, quand le bâtiment se termine, il marque également la fin du chemin partagé, et laisse la place à un grand vide. Le blues m’envahit, car ce bâtiment qui a scandé la vie de l’agence, la mienne, et occupé nombre de pensées, nourri d’innombrables échanges et discussions, m’a fait vivre - dans tous les sens du terme - va désormais vivre avec et pour les autres, usagers et spectateurs du site. Mais cette douleur passagère est nécessaire, elle confirme que notre intervention sur le cadre bâti, sur le cadre de vie des gens, n’est pas banale. Elle marque la Cité et nous marque aussi.
Réaliser un bâtiment est un acte jubilatoire. D’un programme imaginé par les donneurs d’ordre, pour une valeur d’usage bien définie, l’architecte va mettre en volume les pensées. Les mots vont devenir matières, formes et couleurs. Le lieu va être imaginé, projeté, construit par l’architecte et, in fine, habité et regardé. Et quand il est bien habité, qu’il répond correctement à sa valeur d’usage et qu’il est bien regardé parce que bien inscrit dans son site, l’architecte que je suis est à la fois ému et heureux de ce rôle de marqueur d’époque et de passeur sociétal qu’il joue. En conclusion, voir mon bâtiment fini ça me donne envie d’en faire un autre! Ces cycles de conception/construction, mélancolie/plaisir, c’est la vie, c’est ma vie. Ce projet a été pour nous une expérience heureuse et positive, avec des interlocuteurs enthousiastes et actifs. Il m’a semblé le jour de l’inauguration qu’outre l’engouement provoqué par cette belle innovation des pavés (coquillages), il y avait aussi une joie partagée pour les élèves, les utilisateurs et tous ceux qui habitent ce bâtiment de rentrer dans une école neuve. L’expérience de la restructuration - extension nous semble réussie comme nous l’avons dit depuis le début lorsque l’ensemble fini ne fait qu’un. Il me semble que c’est ce que ce projet produit : une image unitaire, une réunification, et si c’est perçu comme tel, eh bien c’est cela notre réussite. Nous avions fait le pari d’un lieu serein, c’est ce que ce lieu dégage, c’est la raison d’être de notre métier : faire que ce lieu de travail et de vie concoure au bien être de tous. Cela donne le sentiment d’avoir bien oeuvré. Ce n’était pas que des mots lancés pendant le concours de maîtrise d’oeuvre. C’était une vraie croyance et un vrai objectif. La durée d’éclosion d’un projet est longue et courte à la fois, beaucoup d’énergie dépensée tous ensemble, un travail d’équipe avec chaque acteur et ils sont nombreux : le Maître d’ouvrage, les utilisateurs, toute notre équipe de maîtrise d’oeuvre, les entreprises de travaux... La fin d’un projet, c’est le point final de cette aventure d’abord humaine.