Armes de Chasse

Le basculage au noir de fumée

Pour y voir plus clair !

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Ah, le noir de fumée ! Les « bons armuriers » aiment poser avec leur lampe à pétrole, la meilleure carte de visite de l’artisan chevronné. Mais savez-vous à quoi elle sert, cette lampe magique ? La réponse avec Dany Magloire, armurier dans l’Oise, qui nous dévoilera désormais chaque trimestre quelques secrets d’armurier.

Achaque métier est associée une image d’Epinal, celle qui mieux qu’un long discours prouve tout le sérieux, l’étendue du savoir-faire et l’incroyable expertise de la personne qui vous fait face. Dans mon univers, celui de l’armurerie, c’est la lampe à pétrole, ou si vous préférez le travail au noir de fumée. Sur un salon de la chasse ou même dans votre atelier, si vous allumez cette petite lampe pour noircir de fumée grasse la tranche arrière de canons, aussitôt le silence se fait, vous devenez le point de convergenc­e de tous les regards. Aladin n’a qu’à bien se tenir, nous aussi nous avons notre lampe magique qui ne manque pas de génie. Mais à quoi sert- elle et pourquoi ce geste somme toute très simple, allumer une lampe, fascinet-il autant ? Outre ses vertus salissante­s et malodorant­es, le noir de fumée est surtout reconnu, en armurerie, pour la mince pellicule de noir qu’il dépose sur le métal. Cette infime couche, de l’ordre d’un millième de millimètre, est un marqueur léger qui va s’effacer au moindre frottement, et c’est là précisémen­t tout ce qu’on lui demande. Quand on ne peut pas le contrôler à l’oeil nu, le noir de fumée permet de vérifier sur deux pièces qui doivent être en contact s’il y a ou non union entre elles. C’est le cas de toutes les pièces qui en actionnent d’autres lors que l’arme est refermée par exemple. Au point de contact, le frot- tement va effacer le noir et à l’ouverture on saura selon les zones où il reste ou non du noir où les pièces ont été en contact et où elles ne se sont pas touchées.

Trace après trace

Quand on doit fabriquer un fusil ou le réajuster, il est une étape essentiell­e, c’est le basculage. Les canons et le crochet doivent être en contact régulier et uniforme avec la bascule et la broche, faute de quoi le fusil ne fonctionne­ra pas bien mais surtout ne durera pas. Quand un fusil a du jeu par exemple, on doit reculer les canons dans la bascule. Pour cela, on change généraleme­nt la broche pour une autre d’un plus fort diamètre. Ensuite, il faut gratter le crochet avant pour qu’il soit au diamètre de la nouvelle broche. Cet ajustage se fait au noir de fumée : on applique le noir, on referme le fusil, on regarde ensuite où il reste du noir ; il faudra continuer à ôter du métal à ces endroits. Une fois que les canons pivotent sans problème sur la broche, il reste à s’attaquer à leur tranche. En règle générale, les tubes frottent contre les tonnerres et il est impossible de refermer complèteme­nt le fusil. C’est alors que le noir de fumée fait son entrée, tel un rituel quasi religieux. Au début, seule la partie basse de la tranche des canons est « blanchie » à la fermeture et, au fur et à mesure des passages de lime, les canons descendent un peu plus dans la bascule, jusqu’au moment où, en forçant un peu, on pourra refermer complèteme­nt le fusil. Le noir de fumée apposé sur la tranche des

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En lisant les zones « blanches » ou noires, on sait où passer la lime et le papier pour un ajustage parfait.

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