La poule aux oeufs d’or qui finit au pot
La saison 2013-2014 ne restera certainement pas dans les mé - moires, du moins pas au rayon des bons souvenirs ! Tous les ingrédients étaient en ef fet réunis pour qu’à l’heure des comptes les bilans soient, comme ceux de notre balance commerciale, nettement déficitaires. Sur le plan du petit gibier, la saison fut catastrophique. Après un printemps 2013 froid et pluvieux, perdrix et lièvres manquaient à l’appel. Beaucoup, parmi les gestionnaires de territoires, parlèrent même de la pire année de puis trente ans, autant dire depuis que les comptages e xistent. Ici et là, l’ouverture tint lieu de fermeture ! Pas question de chasser des espèces par trop fragilisées. Ajoutez une migration victime d’un hi ver qui n’en fut pas un, et se dressait déjà le spectre d’une triste saison. Du côté du grand gibier, sa Majesté Sus crofa, le sanglier qui, tel Atlas, porte depuis presque deux décennies le monde de la chasse française à bout de groin, a vécu également une mauvaise année. Mauvaise reproduction, premiers effets du plan de maîtrise national de l’espèce ? Partout le même constat : des compagnies moins nombreuses, moins importantes et des tableaux appauvris. Mais il n’y a pas que les ef fectifs de gibier qui figurent à la baisse… Malgré l’arri vée d’un nombre croissant de jeunes permis chaque année, l’érosion des «anciens » s’est accélérée cette saison, a vec vraisemblablement une baisse plus proche des 8% que des 4 % habituels. Un effet de la crise économique qui s’éternise, du vieillissement de la population de chasseurs, du manque de gibier et du coût sans cesse grandissant de la chasse. A ce rythme, nous sommes promis au million à brève échéance. Si ce chiffre fait rêver les amateurs de Loterie nationale, pour nous autres, chasseurs, il s’agit là d’un cap de mauvaise espérance ! N’en déplaise aux partisans d’une chasse élitiste à l’allemande, moins de chasseurs, c’est moins de poids dé mocratique, moins de moyens de pression, moins de puissance économique et enfin moins de rentrées financières p o u rl es associations et les fédérations de chasse. Même si, à l’opposé et de manière anachronique, cette saison a également vu la FNC se faire épingler par la Cour des comptes pour les «confortables » salaires de ses cadreset le montant des dépenses de ses prestataires. Le déficit se paie ici en termes d’image ! Dans ce contexte de baisse des permis, de difficultés croissantes pour les présidents de chasse à trouver des actionnaires désireux de payer plus pour tirer moins, des questions se font naturellement jour. Serons-nous demain encore assez nombreux, ou stupides, pour nous disputer des forêts louées à prix d’or ? Comment réagiront alors les forestiers, qui depuis longtemps souhaitent avoir la peau des sangliers et autres cervidés qui « déciment » leurs plantations sans renoncer pour autant aux loyers parfois prohibitifs versés par les ex-petits hommes verts, devenus orange, qui les traquent ? Jouerontils jusqu’à son terme ce remake sylvestre de la poule aux oeufs d’or quifinit au pot ? Il est temps peut-être, au terme de cette année noire, de repenser, dans sa diversité, la chasse française sous « sanglier dépendance » depuis trop longtemps. Certes, notre passion doit en grande partie sa survie à la bête noire, abondante et magnétique, mais il est temps de sortir du tout-sanglier, d’éviter que la baisse des prélèvements fasse chuter de manière plus dramatique encore celle du nombre de chasseurs. Si le bonheur n’est plus dans le bois, est-il dans le pré, dans ces plaines de venues… vides ? Des tapis de billard au sujet desquels certains biologistes affirment désormais, même si c’est encore officieusement, qu’ils sont incapables d’assurer la survie de l’a vifaune ? Aura-t-on le courage de se poser avec honnêteté la question de l’avenir de la chasse du petit gibier ? Car si la plaine ne permet plus à ce dernier d’y survivre naturellement, pourra-t-on continuer de jeter l’anathème sur ceux qui, grâce à l’élevage et aux lâchers de printemps ou d’été – comme cela se f ait en Angleterre–, continuent d’y pratiquer une chasse à la billebaude simple et accessible pour un jeune permis manquant d’expérience ? Une chasse parfaite pour débuter sous l’égide d’un mentor capable de f aire partager ses acquis et sa passion. Une chasse mobile, sportive, qui, pour un jeune chasseur plein d’énergie, est autrement plus attrayante et conviviale que la perspective de passer une longue journée assis, seul, derrière un arbre à guetter un hypothétique sanglier qu’il lui faudra sexer et peser – sans l’aide de personne cette fois – avant de tirer sans se tromper. Faute de quoi il risque bien le soir venu de rentrer chez lui les poches vides et torse nu, en y ayant laissé ses économies et sa chemise. Hélas aussi une partie de sa passion naissante et avec elle l’avenir de la chasse.