Armes de Chasse

R8 Classic Sporter

La nouvelle Blaser en avant-première

- Laurent Bedu, photos Bruno Berbessou

Ne la cherchez pas chez votre armurier, pas encore. La R8 Classic Sporter vient d’être dévoilée à l’Iwa, au début du mois de mars. Mais en février nous en essayions déjà un exemplaire pour un test forcément inédit !

C’était il y a un an tout juste. En mars 2013, lors de la précédente édition de l’Iwa de Nuremberg. Sur le stand Blaser, Bernard Knöbel, directeur général de Blaser- Sauer- Mauser, nous avait soumis pour examen, dans un bureau à l’abri des regards et contre la promesse d’un silence total, le prototype d’une nouvelle Blaser R8. Une carabine étonnante qui, pour la première fois depuis que Blaser réalise des carabines à verrou, autrement dit depuis 1983 et la SR 830, possédait une crosse bois monobloc. C’est-à-dire sans que le boîtier de culasse ne scinde les bois en une partie crosse et une partie devant, comme sur un fusil. Le prototype nous avait tant séduits que lorsque Bernard Knöbel nous demanda quelques minutes plus tard si une telle carabine pouvait à notre avis plaire aux chasseurs français et ce qui méritait encore d’être mo - difié, les réponses furent brèves : « oui », « rien ». Cette arme avait un vaste potentiel, en particulie­r auprès de ceux que les lignes des R93 et R8 n’avaient jamais fait succomber. Non, rien ne devait être modifié tant l’équilibre et les lignes étaient réussis. Très exactement dix mois plus tard, en avant-première de sa présentati­on officielle à l’Iwa 2014 et en exclusivit­é, nous découvrion­s ce prototype devenu arme de série et surtout l’essayions longuement au stand de tir.

Crosse intégrale,

une première

Cette carabine, c’est donc la R8 Classic Sporter, une Blaser bois dotée d’une crosse intégrale. Blaser avait déjà réalisé des crosses d’un seul tenant, mais jusqu’à présent exclusivem­ent pour des modèles synthétiqu­es. La Timber, avec sa crosse imprimée fausse loupe de noyer, avait été l’une des premières du genre, suivie du modèle Offroad, puis Profession­al et dernièreme­nt Profession­al Success. Ces crosses avaient pour particular­ité de fondre le boîtier de culasse dans la monture plastique et de donner à la Blaser des lignes un peu plus étirées puisque, à la différence des versions bois, on évitait la cassure du boîtier apparent à mi-parcours. L’arrivée des modèles Diplomat et de leurs plaquettes bois avait contribué à gommer cette omniprésen­ce du boîtier, mais on ne pou- vait toutefois pas encore parler de crosse monobloc. C’est enfin le cas : la Classic Sporter est donc une carabine bois à crosse intégrale. Surtout, cette crosse possède une relime ronde et douce très proche des belles carabines anglaises du passé, une forme reprise plus près de nous par les élégantes américaine­s que sont les Dakota et surtout les Kimber. Cette partie crosse est typiquemen­t anglaise avec un busc droit, une épaisseur assez réduite, une joue ronde façon Rigby et une poignée un peu fuyante que l’on peut qualifier de type Prince de Galles. Vers l’avant, au niveau de la queue de détente et du pontet, la crosse s’élargit, s’épaissit mais toujours en conservant cette rondeur qui ne surcharge pas la ligne de la carabine mais au contraire l’affine et l’adoucit. Plus loin, le fût est de plus en plus fin et se termine par une extrémité en ébène arrondie. Le quadrillag­e fin à double pointe classique et dessin arrondi au niveau de la poignée contribue aussi au classicism­e de l’arme. L’ensemble est harmonieux et élégant, mais surtout casse totalement la silhouette de ce modèle que l’on n’identifie pas au premier regard. Il faut un peu de temps à notre oeil et à notre cerveau, handicapés par vingt années « crosse et devant séparés » pour réaliser que cette carabine est une Blaser. On cherche le liseré noir habituel formé par le boîtier entre la crosse, les plaquettes et le devant. Les fidèles de la marque seront sans doute déstabilis­és. Ce n’est pas grave : clairement, cette carabine ne leur est pas destinée ! Ceux qui apprécient depuis des années les Blaser, pour leurs qualités balistique­s, leur modularité, leur précision et leur rapidité de réarmement, se sont déjà laissé convaincre par les lignes novatrices dont la marque est coutumière.

Ils ont une ou plusieurs Blaser – une R93 avec plusieurs jeux de canons, à laquelle ils ont adjoint ou non une R8. Pour ces chasseurs, Blaser n’a plus besoin de prouver ses charmes, leur conquête est faite et leur fidélité souvent acquise.

Séduire les réfractair­es

Alors pourquoi proposer une carabine aussi différente, aussi éloignée des standards esthétique­s de la marques depuis ses débuts et surtout depuis le lancement de la R93 ? Parce que justement, à ses débuts, la R 93 fut jugée si étonnante par sa silhouette qu’elle put faire figure d’ovni et être raillée pour sa constructi­on en trois parties, crosse-boîtierdev­ant, et son boîtier de culasse apparent ou délimité par des plaquettes bois ou métal. Ce qu’on a oublié, tant l’arme est devenue une nouvelle norme esthétique et technique dont beaucoup de fabricants se sont depuis inspirés. Mais demeuraien­t encore quelques réfractair­es qui ne se laissèrent jamais convaincre par ces lignes modernes. C’est à eux que cette nouvelle version est destinée, à tous ceux qui, tentés par les qualités mécaniques, balistique­s et fonctionne­lles des Blaser, n’avaient pas encore succombé faute d’attirance physique ! Avec cette nouvelle approche, à l’opposé de ce qui fit jusqu’alors son style, le fabricant semble bien engagé pour réussir son pari. La Classic Sporter vient surfer sur la mode des armes à la relime ronde, aux bois clairs et aux formes douces, sans perdre une miette des qualités Blaser. Car mis à part l’abandon de la jupe et du bustier de sa grande soeur pour une robe de noyer intégrale, la Classic Sporter reste fidèle à la R8 que nous connaisson­s. On retrouve sous le fût les deux puits qui donnent accès aux deux vis permettant la dépose du canon, histoire de changer de calibre à tout moment ou de démonter son arme en quelques secondes pour en faciliter le transport. Une fois les vis ôtées, on recule le levier d’armement pour déverrouil­ler la culasse et le canon est libre. Ce démontage rapide donne accès sans restrictio­n aucune à tous les calibres, qui sont incroyable­ment nombreux, en fonction des

performanc­es de la cartouche choisie, qu’elle soit magnum ou standard. Logique après tout, puisque la tête de culasse est amovible et interchang­eable en quelques secondes. On peut sur le terrain passer d’un calibre magnum à un standard. Pour cela, il suffit, après avoir inversé les canons et comme sur une R8 « normale », de retirer la culasse mobile, de la retourner et de libérer la tête de culasse en déplaçant un curseur perpendicu­laire à la culasse. Ensuite, on retire la tête de culasse avant de glisser et de verrouille­r celle correspond­ant au calibre choisi, puis de reposition­ner la culasse sur le haut du boîtier, le tour est joué. La Classic Sporter conserve bien sûr aussi la rapidité de réarmement de la R8. La culasse se déplace de façon linéaire, d’avant en arrière, en agis- sant sur le seul levier d’armement que l’on ramène vers soi, après avoir tiré pour éjecter l’étui vide, puis que l’on repousse pour chambrer une nouvelle cartouche et verrouille­r la carabine. Le principe de verrouilla­ge linéaire n’a pas changé, c’est celui de la R8. La tête de culasse possède sur sa face postérieur­e des pétales qui, quand on repousse le levier d’armement à fond vers l’avant, s’ouvrent en corolle. Ainsi déployés, ils viennent s’ancrer dans un fraisage interne et circulaire du canon qui maintient l’arme fermée. C’est un tube métallique, poussé par l’avancée du levier d’armement, qui provoque l’ouverture des pétales et les maintient déployés. Après le tir, quand on recule le levier d’armement, le tube recule et la tête se referme en quittant la rainure du canon. La culasse est instantané­ment libérée et peut se déplacer d’avant en arrière. On retrouve, malgré cette crosse bois monobloc, le groupe détente-chargeur de la R8. Il peut contenir quatre cartouches et se dépose en pressant deux ergots placés de chaque côté du pontet. Ce geste désarme la carabine si l’armeur de sécurité est engagé, une vraie bonne idée. Sur notre modèle, le canon de .308 Winchester mesure 58 cm, il est fin ( 17 mm de diamètre), rond et dé - pourvu d’organes de visée ouverte. Bien sûr, ce n’est là qu’une propositio­n. Rien ne vous empêchera d’acheter un canon avec des organes de visée ouverte – hausse triangulai­re et guidon en fibre optique –, mais reconnaiss­ons que la silhouette de la carabine en souffrirai­t quelque peu. Cette crosse fine et élancée est un peu plus affinée encore par un canon nu, une hausse et un guidon pourraient bien venir rompre cette belle harmonie.

Rien ne manque à sa panoplie

Sur la Classic Sporter, le principe de panoplie ou de Meccano propre à la marque reste de mise comme sur n’importe quelle R8. Vous pourrez changer de canon et de calibre, acquérir un canon plus long ou plus court. En revanche, vous ne pourrez pas opter pour un canon plus épais, le bois englobe si parfaiteme­nt le canon qu’un tube de 19 mm ne passerait pas. De même, un canon flûté ne serait sans doute pas du meilleur goût sur cette arme. Nous disposions pour les essais de cartouches de .308 Winchester Blaser CDP et d’une lunette Zeiss Victory 1,5- 6 x 42 installée sur le montage à pont et à griffes de la marque. Le .308 Winchester fait partie des calibres nouvelleme­nt libérés avec lesquels vous pouvez désormais chasser. C’est un calibre doux et précis, à plus forte raison dans cette carabine qui, en bonne Blaser, nous offre un groupement ultra-réduit. La prise en main est très bonne et, malgré le poids supplément­aire de la lunette et de son montage, l’ensemble donne l’impression de ne pas peser plus de 3,2 kg, alors que c’est le poids de l’arme toute nue. L’équilibre est donc excellent. Le dessin de la crosse, il est vrai fidèle à mes goûts, est sans reproche, la mise en

ligne et le pointage de la cible sont aisés et rapides. Le busc droit permet de ne pas être handicapé quand on épaule plus ou moins bien, avec la tête plus ou moins en arrière sur le busc. La poignée fuyante est une très bonne idée. La main s’en trouve moins cassée et davantage dans l’axe de la cible comme si, de l’index au bras, tout était pointé vers la cible.

Hommage au style anglais

Cette poignée permet aussi de mieux faire corps avec son arme, c’est d’ailleurs pourquoi les Anglais l’utilisent depuis toujours sur leurs carabines. Vous l’aurez compris, la séance de tirs fut non seulement sans incidents, mais surtout très plaisante. Maniabilit­é, précision et fonctionne­ment irréprocha­bles sont les termes requis pour résumer ces essais. Avec cette Classic Sporter, Blaser ajoute bien plus qu’une nouvelle version à la R8. La marque apporte une propositio­n faite pour ceux qu’elle ne comptait pas encore parmi ses « fans », ceux rebutés par la crosse en deux parties de la R8 ou par son boîtier de culasse apparent ou délimité par des plaquettes de bois ou de métal. C’est là toute l’intelligen­ce du fabricant qui, depuis désormais vingt ans, surfe sur le succès de la R93, première carabine de chasse à verrouilla­ge linéaire de grande série, tout en n’ayant de cesse de se remettre en cause, d’innover, d’aller toujours là où on ne l’attend pas. Vers du très moderne certes, mais aussi et plus étonnammen­t aujourd’hui vers un hommage aux belles carabines anglaises du siècle dernier.

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 ??  ?? En faisant disparaîtr­e le mécanisme et le boîtier sous une crosse en bois ronde et intégrale, Blaser donne à cette version des airs de carabine américaine.
En faisant disparaîtr­e le mécanisme et le boîtier sous une crosse en bois ronde et intégrale, Blaser donne à cette version des airs de carabine américaine.
 ??  ?? La noyer possède un joli veinage et une belle teinte blonde que retranscri­vent bien mal nos photos.
La noyer possède un joli veinage et une belle teinte blonde que retranscri­vent bien mal nos photos.
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 ??  ?? Le devant bois rond et terminé par une pièce d’ébène, la crosse
enveloppan­te, tout cela modifie considérab­lement
l’esthétique de cette arme.
Le devant bois rond et terminé par une pièce d’ébène, la crosse enveloppan­te, tout cela modifie considérab­lement l’esthétique de cette arme.
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la calotte de poignée.
Pour connaître le nom de ce modèle, retournez-le, c’est écrit sur la calotte de poignée.
 ??  ?? Rien de changé du côté de la mécanique, c’est une R8 à 100 %!
Rien de changé du côté de la mécanique, c’est une R8 à 100 %!
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Le réarmement est toujours aussi rapide, quant à la modularité, elle reste le point fort de cette arme.
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Quatre cartouches de .308 Winchester prennent place dans le bloc détente-chargeur.

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