Zeiss Victory V8
Les lunettes de tir à gros moteur
Zeiss ne pouvait faire moins. Elle est la dernière des grandes firmes d’optiques de chasse à intégrer le club des fabricants de lunettes de tir à large plage de grossissements. Elle reste pourtant la première, puisque sa Zielmultar, lancé en 1922, fit d’elle une pionnière sur ce créneau. Pour son grand retour dans l’arène, il lui fallait frapper fort : voici la Victory V8, pour 8 x !
Si Zeiss fut, en 1922 avec la Zielmultar 1- 6 x, la pionnière dans le domaine des lunettes de tir super zoom à très large plage de grossissements, elle était depuis l’arrivée de la Swarovski Z6 étonnamment absente de ce créneau où se sont jetées les unes après les autres toutes ses concurrentes. Schmidt & Bender, Kahles, Leica, ElectroVisée, Leupold, Bushnell, Meopta, Steiner ou encore Minox ont dévoilé des lunettes à plage de grossissements XXL, mais pas Zeiss. On l’annonçait depuis quatre saisons, c’est maintenant chose faite : la nouvelle gamme de lunettes de tir haut de gamme vient d’être dévoilée lors de l’Iwa. Elle s’appelle Victory V8HT et, comme son nom l’indique, couvre une plage de grossissements de presque 8x (en fait 7,8 et 7,2x). Zeiss ne fait plus bande à part et nous propose même l’échelle de grossissements le plus important du marché, à égalité avec la Schmidt & Bender – laquelle n’est toujours pas disponible, trois ans après son lancement. Cette nouvelle famille est pour le moment toute petite, avec seulement deux lunettes : une 1,8- 14x50 et une 2,8- 20 x 56. Soit des optiques très polyvalentes mais surtout tournées vers l’approche pour la première et l’affût pour la seconde. Il faudra encore patienter quelques mois pour découvrir un modèle battue, probablement une 1- 8 x 24 ; dommage, puisqu’il s’agit de la catégorie la plus vendue en France, avec plus de trois lunettes sur quatre. Ces deux Victory V8 ne nous étaient pas totalement inconnues lors de leur présentation officielle à Nuremberg, nous avions pu les tester en décembre dernier lors d’une journée d’es- sais et de tirs à 100, 200 et 300 m au stand fréquenté par les membres de Zeiss, à quelques encablures de Wetzlar, le siège de la firme. La plage de grossissements intégrés est donc vaste. La lunette d’approche va jusqu’au grossissement 14, là où nous nous sommes longtemps contentés de 6 x avec nos 1,5- 6 x 42, tandis que le modèle d’affût plafonne à 20x, soit deux fois plus que nos anciennes 2,5- 10 x 50.
L’équation à deux inconnues
Offrir une telle amplitude alors même que l’on arrive après ses concurrents sur ce créneau imposait de résoudre deux équations délicates. D’une part, créer un nouveau dispositif, pour ne pas risquer de s’approcher de trop près d’une configuration existante et protégée par un brevet. D’autre part, réussir à loger une plage de grossissements étendue dans une optique tout en maintenant des proportions raisonnables. La double équation a été résolue. Zeiss a finalement repris une des solutions de sa Zielmultar de 1922, à savoir augmenter considérablement le corps optique de sa lunette qui mesure 36 mm de diamètre. Pour mémoire, une lunette de tir classique possède un corps optique de 25,4 mm aux Etats-Unis et de 30 mm en Europe. Avec ces 36 mm, on se rapproche du corps de l’Aimpoint Hunter 34 (34 mm) et de la Zeiss Zielmultar ( 35 mm). Un choix rendu nécessaire par la technique retenue et développée par Zeiss, une lunette à corps plus petit étant incompatible avec un zoom 8x. Ce diamètre élevé possède un avantage indéniable, il évite les zones d’ombre ou de parallaxe que l’on trouve parfois sur les lunettes à super zoom, à plus forte raison si on épaule mal ou si on n’est pas bien en ligne avec son arme. Il a aussi deux inconvénients, celui d’alourdir la lunette (la 1,8- 14x50 pèse 710 g) et de vous obliger à changer de colliers de montage si vous comptez remplacer votre ancienne 1- 4x24 de 30 mm de diamètre par cette V8. Certains penseront peut-être qu’un corps plus imposant rehausse d’autant l’axe optique : ce n’est vrai que si les oculaires et les objectifs sont supérieurs à la norme, ce qui n’est pas le cas ici. L’oculaire possède un diamètre de 46 mm, soit le même que celui de ses concurrentes directes, alleman des et autrichiennes. Même chose pour l’objectif de 50 mm (56 mm à l’extérieur) ou celui de 56 mm (62 à l’extérieur), nous sommes dans la norme actuelle. L’axe optique n’est donc pas plus haut que sur une lunette « classique » et ne nécessitera pas de surélever la visée ni d’avoir recours à un busc amovible. Votre oeil sera à la même hauteur, au centre de l’axe optique, que votre carabine soit équipée de cette V8 ou d’une de ses concurrentes à diamètre d’objectif égal.
Autre nouveauté de ces Victory, le réglage de l’illumination se fait à l’aide d’une large et plate molette crantée logée sur l’oculaire et non plus au niveau des tourelleaux. C’est simple et agréable. Autre bon point concernant l’illumination, elle a été revue et corrigée pour consommer très peu d’énergie même par températures négatives, la durée de vie de la pile devrait en être rallongée. De plus, un dispositif d’extinction automatique du réticule a été installé. L’illumination se coupe si l’arme est inclinée sur le côté, à partir de 45 degrés, ou verticalement, à partir de 70 degrés, ou encore si elle reste immobile trop longtemps ; l’illumination s’enclenchera de nouveau à la moindre vibration grâce à un capteur de mouvement. Enfin, le point rouge central du réticule 60, invariant car logé dans le second plan focal, ne couvre que 5,5 mm à 100 m avec le grossissement 12. La large plage de choix n’est pas l’apanage des grossissements, les tourelles de réglage des impacts autorisent un déplacement du réticule de 310 cm en vertical et 200 cm en horizontal pour la 1,8- 14 x 50 et respectivement de 210 cm et de 135 cm pour la 2,8-20 x 56. A noter, la tourelle de réglage ASV+, permettant de disposer de cent clics de réglage en hauteur, équipe de série la lunette d’affût et en option celle d’approche.
Un savoir-faire
éprouvé
Sur le plan de la qualité optique, nous avons affaire à une Zeiss en pleine possession de ses moyens. L’image est claire et contrastée, nette avec une bonne restitution des couleurs et sans zones floutées en périphérie. La luminosité est bonne, avec 92 % de restitution de la lumière naturelle. La distance oculaire de 95 mm est très confortable et fait là encore jeu égal avec la concurrence. Le réticule 60 convient bien à ces optiques étudiées pour les tirs lointains, comme nous l’avons vérifié avec les cibles à 200 et 300 m. A 100 m, avec une Mauser M03 en .308 Winchester, le groupement de nos trois balles fut mê me de 1,9 cm. Preuve que les prototypes que nous avons testés étaient déjà en bonne voie pour la fabrication de série. Ces nouvelles V8 sont belles et réussies. Certes, elles sont assez lourdes et vous obligeront à changer les colliers de montage. Elles sont de plus assez chères, à plus de 2600 €, mais elles sont lumineuses, dotées d’une très large plage de grossissements et d’un vaste champ de vision, sans zones d’ombre ou effet tunnel partiel si l’on épaule vite ou mal. Il nous reste un regret principal, ne pas avoir pu découvrir la version battue appelée à être dans notre pays le best-seller de la gamme, du moins quand elle existera. Nous devrons patienter avec les versions approche et affût, annoncées dans nos armureries pour le mois de juin.