Ruée vers le sans-plomb
L’alchimie appliquée aux balles
L’alchimie appliquée aux balles
N’en déplaise aux plus conservateurs d’entre nous, chaque année nous apporte davantage de cartouches « sans plomb ». Pas de quoi fouetter un chat ? Pas sûr !
L’ offre de projectiles « sans plomb » se diversifie. Passe encore que le plomb soit remplacé par de l’étain, par exemple chez RWS et Geco, cela ne change pas des quantités de choses sur le terrain ou dans le gibier, en dehors du fait que l’étain, moins ductile que le plomb, tend à fragmenter un peu plus à l’impact. La chose n’a rien de rédhibitoire, même s’il faut la garder en mémoire dans le contexte des tirs de battue, le plus souvent effectués à très courte distance. Pour des chasses un peu plus ambitieuses, en revanche, les projectiles « homogènes » se multiplient et commencent à équiper des cartouches relativement anciennes et très répandues, au grand désarroi des gens qui pensaient que seules les bonnes vieilles créations de Wilhelm Brenneke pouvaient marcher. Les pionniers de ces balles étaient français (Sologne avec sa GPA, Sauvestre avec les Fip) et nous ont donné des projectiles de qualité. Mais avant ce la, nous avions connu la grosse va gue de la Barnes qui depuis les Etats-Unis avait déferlé sur les rivages européens. Une balle caractérisée par son relativement fai ble coût de production, en tout cas si on ne regarde que les temps d’usinage sur des machines à commande numérique en négligeant celui de la matière première et surtout de sa formulation. Beaucoup de chasseurs qui ne les ont pas expérimentées et utilisées à la chasse ont des réserves, et même des craintes, en ce qui concerne l’utilisation de ces balles homogènes. Ils reçoivent des informations fantasmatiques par le biais de RadioLayon, qu’ils amplifient et répandent sans vergogne.
Des craintes
infondées
Comment penser, par exemple, que l’emploi de balles homogènes pourrait faire « ressortir » les rayures du canon à l’extérieur d’un tube de très bon acier ? Comment penser que la fragmentation (ou la non-fragmentation) d’une de ces balles monométalliques peut avoir des effets sur la survie d’un gibier correctement touché ? Comment expliquer qu’une balle à noyau d’étain ne se conduise pas exactement comme une balle à noyau de plomb et réclame comme toutes les autres balles un réglage particulier de l’arme et de son optique trop souvent négligé, soustraité et jamais vérifié ? Comment penser aussi qu’une balle, qu’elle soit à noyau soudé, à chemise électrolytique ou homogène va se conduire différemment dans les canons de nos armes comme dans la venaison? Rumeurs, ragots et crainte de la nouveauté sont vieux comme l’humanité. Le ciel ne nous est pourtant pas tombé sur la tête ! N’en doutez pas, dans notre monde judiciarisé, tout incident un peu grave serait porté sur-le-champ devant un ou plusieurs tribunaux… Et rien ne se passe, ni en Amérique ni en Europe, ni en Afrique ni en Océanie. Qu’il s’agisse de balles de construction conventionnelle ou presque ou de balles homogènes, on voit de plus en plus fréquemment apparaître des traitements de surface qui dépassent – de manière parfois considérable – tout ce qu’on avait jusqu’ici obtenu avec les bons vieux (et pas toujours bien acceptés…) revêtements comme les Lubaloy, les bisulfures de molybdène et autres recettes en leur temps considérées comme miraculeuses. Aujourd’hui, chez Norma, Brenneke, Speer, Federal/Fusion, et chez bien d’autres encore, le nitrure de brome commence à se généraliser pour certains projectiles homogènes, et c’est aussi bien. Demain, nitrure de titane ou de tungstène, pourquoi pas ? Nous ne vivons pas isolément, même si le village gaulois se vante toujours et encore de son apparente indépendance déguisée en « exception culturelle ». Qu’elles soient achetées à certains spécialistes ou de fabrication maison, les balles « sans plomb » sont bel et bien là pour rester. Très souvent, leur efficacité terminale (constatée ou espérée, selon le point de vue qu’on occupe) est remarquable, avec une expansion régulière, une fragmentation parfaitement programmée, une redoutable précision dans la plupart des armes récentes. Ce n’est plus une promesse, mais une réalité. Et nous devrons « faire avec », tôt ou tard, pour la plus grande gloire de saint Hubert et de sainte Barbe, soyez-en convaincu.